le bijou comme un bisou #56 les lois somptuaires contre le luxe


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Jul 12 2020 16 mins   6
Il était une fois les lois somptuaires Au cours des siècles, des lois somptuaires ont été promulguées pour règlementer les habitudes de consommations et légiférer sur l’utilisation du luxe. Leur utilité ? Comme au final elles ont été suivies de façons sporadiques ou carrément négligées, on peut douter de leur utilité pratique. Aussi faut-il se référer à l’esprit de ces lois pour les comprendre. Le 1e objet est politique, il s’agit souvent de financer les guerres en recyclant les métaux du luxe en armement ou en monnaie ou encore de donner une exception de magnificence au pouvoir censé représenter la richesse d’un Etat aux yeux de ses voisins qui potentiellement pourrait l’assiéger. Le second objet des lois somptuaires est de rendre visible l’ordre social dans l’objectif de fixer chaque catégorie à l’identique et d’empêcher la pyramide du pouvoir de s’effondrer. Derrière ces interdictions il y a souvent une mesure protectionniste des industries nationales par la volonté de limiter les importations de denrées qui par leur rareté relèvent du domaine du luxe. Un troisième objectif des lois somptuaires est de garantir un ordre moral. Quand tout va mal on s’en prend au luxe dont la superfluité devient synonyme de folles dépenses et s’oppose à la charité. Dans notre époque moderne, la fiscalité a remplacé les lois somptuaires. La TVA sur les produits de luxe de 33 % 1/3 créé en 1954 a pourtant disparu en 1992. Et l’ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune a été transformé en un impôt sur la fortune immobilière (IFI) en 2018. Je ne suis pas fiscaliste mais je m’interroge. La joaillerie que j’aime appartient au domaine du luxe. Mais les joailliers que je présente qu’ont-ils en commun avec les 27,9 milliards de dollars de chiffre d’affaires de LVMH, ou les 12,1 de Kering qui pourtant hissent la France en tête du classement des sociétés productrice du luxe mondial ? Ne risque-t-on pas aujourd’hui après cette période d’immobilisme inédite du covid qui va provoquer et provoque déjà nombre de dépôts de bilan et de licenciements, assister à une montée de bouclier contre le luxe taxé de superfétatoire sans considération des métiers d’excellence qui le nourrissent et des mains qui le créent ? C’est pourquoi je vous propose une plongée dans l’histoire des lois somptuaires et de leur motivation. Le mot « somptuaire » vient du latin « sumptus » qui veut dire la dépense, ces lois visent donc à limiter les dépenses des particuliers. Zaleucos de Locres, législateur mythique de la Grèce antique du VIIᵉ siècle av. J.-C créa une des premières lois pour limiter les marques extérieures de richesses. Il préconisait notamment que « nulle femme libre ne doit arborer des bijoux d'or sur elle ni porter une robe brodée à moins qu'elle soit établie comme prostituée et que nul homme ne doit porter de bague en or » Dans la Rome antique la première loi somptuaire fut votée en 215 avant JC. Elle s’appelait Lex Oppia. A l’époque, Hannibal a infligé de lourdes défaites à la république romaine qui en plein milieu de la seconde guerre punique, ne trouve rien de mieux à faire qu’à limiter le luxe des femmes. La Lex Oppia prévoit que les femmes n’ont plus le droit de porter plus d’une demi-once d’or sur elles ce qui équivaut à 13 grammes. Les vêtements multicolores leur sont interdits. Et elles ne peuvent plus utiliser de voiture tirée par des chevaux dans l’enceinte de Rome. On ne voit pas trop comment ces limitations peuvent soutenir le moral de la République. Mais il est à noter que le premier mouvement d’un Etat qui perd sa fierté est de s’en prendre aux femmes par le biais de leur parure. Comme si il y avait une logique à, d’une part, considérer les femmes comme impropres à la citoyenneté, et de l’autre à décrédibiliser leur possession comme ayant un impact négatif sur l’Etat. Cet [...]