Citation expliquée: « Ce qui fait que les amants et les maîtresses… », La Rochefoucauld, 1664


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Dec 13 2022 3 mins   2

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Citations célèbres expliquées: “Ce qui fait que les amants et les maîtresses ne s’ennuient point d’être ensemble, c’est qu’ils parlent toujours d’eux-mêmes.”, Maximes, La Rochefoucauld, 1664.

Cette citation du grand moraliste français du siècle classique porte à première vue sur les plaisirs de l’adultère, mais sa visée est plus large, plus philosophique. Sa construction en deux temps part d’un constat pour en donner la cause ensuite. L’emploi du présent de vérité générale confère, comme d’habitude, un caractère de vérité inattaquable à cette maxime.

Tout d’abord, le moraliste pose un fait: Ce qui fait que les amants et les maîtresses ne s’ennuient point ensemble. Difficile ici de contrecarrer le constat de l’auteur. Les amours adultérins, au départ, ne peuvent avoir d’autres buts que celui de s’amuser, de se distraire, de trouver de la joie facile. On ne va pas tromper son conjoint pour rechercher l’ennui, la difficulté, la routine. Déjà, le caractère clandestin de la relation adultère offre une dose d’adrénaline. Ensuite, le fait de franchir le pas implique qu’on y trouve quelque chose de plaisant. Cette évidence exposée, la suite de la citation est plus intéressante.

La cause de cette absence d’ennui pourrait être physique, se situer dans la découverte d’un nouveau corps. Seulement, La Rochefoucauld la place autre part: c’est qu’ils parlent toujours d’eux-mêmes. Ici, nous comprenons la cause psychologique de l’adultère. En premier lieu, la découverte d’une nouvelle personne implique un dialogue moins routinier, renouvelé. La femme et le mari connaissent leur caractère respectif, leur vie passée et quotidienne depuis de nombreuses années. Ces thèmes ne reviennent plus dans les conversations. La maîtresse et l’amant au contraire se dévoilent peu à peu et des discussions ,sans intérêt avec le partenaire de vie, revêtent un enjeu nouveau. Ainsi, parler de soi à une maîtresse ou un amant vient facilement, car on sent que les paroles sont intéressantes, sont écoutées, sont recherchées. Deuxièmement, une partie de la séduction passe par la parole et par le fait de se mettre en avant. Maîtresses et amants cherchent encore à se séduire. Alors, ils parlent d’eux-mêmes pour se mettre en valeur, ou pour interroger l’autre, pour en savoir plus. Le jeu de la séduction implique de se dévoiler pour dévoiler l’autre.

Enfin, la maxime porte un regard sur l’homme dans son essence en fait. Au-delà de la relation maîtresse-amant, l’être humain adore parler de lui-même, de ses réussites, de ses qualités, mais aussi de ses échecs, de ses turpitudes. Et il n’est rien de plus agréable que d’avoir une oreille attentive, sensible et intéressée pour le faire. Le moraliste, en creux, définit donc le plaisir principal de l’adultère comme un simple désir de vanité humaine, celui de pouvoir s’exprimer, de se mettre en valeur, d’être de nouveau essentiellement individualiste. Difficile dès lors pour le/la partenaire légitime de rivaliser avec cela, quand deux êtres se connaissent déjà par cœur et ont dépassé depuis longtemps leur propre vanité pour ne former qu’un.

“Ce qui fait que les amants et les maîtresses ne s’ennuient point d’être ensemble, c’est qu’ils parlent toujours d’eux-mêmes.”

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