Le vélo-fauteuil d’après-guerre, restauré par Sylvain Canu, est exposé au Panthéon


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Aug 31 2024 9 mins   2

Cet été, 100 % création aborde l’esprit créatif des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques. Aujourd’hui, l’exposition  « Histoires paralympiques », qui se tient au Panthéon jusqu’au 29 septembre. Parmi les archives et objets de l’exposition, il y a un vélo-fauteuil des années 1920 parfaitement restauré par Sylvain Canu. Une commande encadrée par Alice Pineau, cheffe de projet au Centre des monuments nationaux.

La création au sens très large m’intéresse surtout dans l’aspect artistique.

Alice Pineau, cheffe de projet au Centre des monuments nationaux.

Dans le travail, on n’est pas si souvent amené à passer commande à des artisans, sauf dans le cadre de restaurations d’œuvres d’art, mais je ne peux pas vraiment comparer. Finalement, l’expérience qu’on a eue là, sur ce fauteuil que je qualifie vraiment de petite aventure, ce n’est pas comparable à ce qu’on a pu vivre sur d’autres projets.

Je suis quelqu’un d’essentiellement technique. Je suis pragmatique.

Sylvain Canu, artisan-restaureur du vélo-fauteuil des années 1920.

Le travail manuel, la création d’un objet avec les mains, pour moi, ça a une valeur qui est inestimable. Ça donne une satisfaction pour soi. Pour moi, ça représente un travail manuel qui fait fonctionner aussi le cerveau. Il n’y a pas que du manuel dans la restauration, que ce soit de vélo ou de tout objet, tout objet d’art.

Le sport offre de la visibilité sociale et les Jeux paralympiques ont aussi bouleversé la perception des personnes handicapées dans la société. Alice Pineau : « L’exposition porte sur l’histoire des Jeux paralympiques. Cette histoire débute avec les Jeux de Stoke Mandeville, juste après la Seconde Guerre mondiale, les commissaires de l’exposition souhaitaient évoquer les compétitions sportives qui se sont déroulées avant la création des Jeux de Stoke Mandeville et qui impliquaient des personnes ayant un handicap. Au cours de nos recherches, nous avons trouvé un film d’archives Gaumont, qui montre une course qui a eu lieu à Longchamp, dans laquelle une partie des participants concouraient avec une sorte de vélo-fauteuil qui était activé par un pédalier à bras. Les commissaires avaient envie, dans l’exposition, de montrer l’évolution du matériel sportif et l’évolution technique des matériels, donc cela les intéressait de montrer un vrai fauteuil de ce type. »

« Nous avons cherché auprès d’un certain nombre de musées et nous n’avons pas trouvé ces fauteuils. Le film date de 1920, ils n’avaient pas été conservés dans les musées que nous avons sollicités. Un jour, ma collègue a eu l’idée de chercher sur un site de petites annonces. Elle en a trouvé un qui était très proche de ce que nous voyons à l’écran dans le film d’actualité Gaumont. »

Le Centre des monuments nationaux a donc missionné Sylvain Canu, artisan et passionné de « la petite reine » pour la restauration de ce vélo-fauteuil. Ce virtuose aime remettre en état et redonner une nouvelle vie aux vélos avec son atelier de recyclage. Un défi qu’il a relevé en se documentant afin de mieux appréhender le travail réel à faire sur l’objet. « C’est quand j’ai reçu le vélo que j’ai pu me rendre compte et faire une estimation précise de ce qu’il y avait à faire et surtout du temps que cela allait me prendre. J’ai fait un rétroplanning de ce qu’il fallait faire pour arriver à l’échéance que madame Pineau m’imposait pour qu’il soit prêt pour l’exposition. Il y a eu deux éléments. Le vélo était complet. C’était un point positif parce que je n’avais pas à rechercher des pièces à droite à gauche pour le reconstituer. C’était complet. »

« Par contre, il y avait beaucoup de pièces qui étaient très endommagées ou très rouillées. La rouille avait attaqué de façon très importante les roues, en particulier les rayons. La difficulté, c’est que c’était une taille de roues qui ne se fait absolument plus aujourd’hui, donc, des tailles de rayons qui ne se trouvent plus. Les jantes, c’était impossible de les remplacer par du neuf ou même de l’occasion trouvée ailleurs. Il m’a fallu partir de cette base. »

Le vélo-fauteuil débusqué par le Centre des monuments nationaux ne pouvait pas être exposé en l’état. « L’objet était abandonné depuis pas mal d’années. Nous ne savions pas jusqu’où cela serait possible d’aller et jusqu’où c’était souhaitable. Il fallait absolument le nettoyer, enlever la rouille, la poussière. Mais c’est sûr que nous ne souhaitions pas donner l’impression que c’était un objet neuf. C’est une exposition qui a un déroulé chronologique. Cet aspect du propos est essentiel pour bien comprendre l’histoire des Jeux. C’était important que cet objet ressemble à un objet du début du 20ème. Nous ne voulions pas l’effet sortie d’usine. Mais c’est vrai que je ne pouvais pas non plus dire de manière certaine : est-ce que dans son jus, cela suffit ? D’autant plus que nous savions que ce serait le premier objet visible dans l’exposition. Le premier objet dans l’exposition, il y avait un enjeu. Il fallait que cet objet soit crédible et beau. Jusqu’où nous allions dans la restauration, c’était une question complexe. »

Sylvain Canu est un expert qui n’en est pas à sa première restauration. Pour ce vélo-fauteuil, ancêtre des fauteuils roulants actuels, la réhabilitation s’est faite en plusieurs étapes. Sylvain Canu :

« J’ai mis d’un côté la partie tôlerie, de l’autre la sellerie. Le fauteuil en lui-même était finalement en assez bon état, avec des produits régénérants pour le cuir, j’ai pu raviver le siège, le dossier et le fauteuil, c’est d’origine. Du côté tôlerie avec toutes les pièces qui sont censées être chromées ou être complètement décapé, mais avec le métal à nu non peintes et celui de la partie peinte. J’ai fait moi-même la peinture au pistolet avec une couche d’apprêt, plusieurs couches de peinture. Pour les pièces qui ont été chromées, je les ai portées chez un polisseur et un chromeur qui m’a fait ce travail. C’est la même personne qui s’est occupée des roues. Il y a quelques autres pièces que j’ai polies moi-même. Quand il manque une pièce, je la fabrique et cela m’est arrivé sur ce vélo-fauteuil. En examinant de façon attentive, il y a une pompe à air qui est fixée sur l’axe de la roue arrière. Cette pompe était maintenue par deux petits tétons en métal qui étaient tellement rouillés que j’ai dû les découper à la disqueuse, ces petits supports de pompe à air, j’ai dû les recréer de toutes pièces. »

Le niveau de restauration du vélo-fauteuil d’après-guerre a été dicté, aussi, par le temps.

« Comme nous ne cherchions pas une restauration à neuf, il y avait certaines choses que je pouvais laisser sans aller trop loin. Par exemple, le polissage de certaines pièces. Si vous passez sur la polisseuse, c’est-à-dire un appareil qui tourne très vite avec une brosse, enfin plusieurs brosses, vous pouvez passer une demi-heure et votre objet va avoir des aspérités de près. Cela ne va pas trop se voir, mais vous pouvez y passer trois heures et votre objet va être fini et parfaitement lisse. C’est un peu au feeling que j’ai fait le polissage. Il y a des pièces où je me suis dit : c’est une pièce qui n’est pas très visible, ce n’est pas si important si la pièce n’est pas parfaite, et puis il y a d’autres pièces, je souhaite qu’elles soient vraiment belles et j’y passe du temps et je vais vraiment dans le détail et dans le fini des choses pour que cela donne un très bon rendu. "

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