Toufik Boumehdi, céramiste d’art, et sa liberté créative


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Feb 15 2025 7 mins   1

Toufik Boumehdi, céramiste algérien dont les œuvres fusionnent son héritage familial avec son exploration personnelle, a grandi au contact de la céramique. Il a su créer un style unique, alliant influences européennes et maghrébines. Ses pièces, aux lignes simples et arrondies, expriment une recherche d'harmonie et de beauté, tout en rendant hommage à ses racines.

Nous l’avons rencontré lors de son passage à Paris, où une exposition présente une partie de ses œuvres, des pièces de décoration d’intérieur colorées et chaleureuses.

Les plus belles réalisations, je les ai faites quand j’étais libre de faire, quand il y a de la confiance. C’est une responsabilité. Mais j’y vais, je n’ai pas peur. Il faut que ce soit équilibré, beau, que cela corresponde à ma vision. Et si cela correspond à la vision du propriétaire, c’est le grand bonheur.

Toufik Boumehdi, artisan d’art, céramiste et faïencier

Je ne crois pas avoir été souvent satisfait de mon travail. Je me dis toujours qu’il y a un petit truc à faire en plus.

Né dans le village de Berrouaghia, à 100 km d’Alger en Algérie, Toufik Boumehdi a grandi au contact de la céramique grâce à son père, Mohamed Boumehdi, surnommé « le carreleur du ciel ». Celui-ci a joué un rôle fondamental dans sa passion et son parcours professionnel. « Mon père était facteur, c’est lui qui m’a enseigné. Il a appris le métier de céramiste à Berrouaghia dans une petite usine et c’était devenu sa passion. Pendant des années, dès l’âge de 20 ans, il était facteur et céramiste en même temps. J’ai donc baigné dans la céramique depuis que je suis né. Au départ, je suis venu à la céramique par intérêt. L’intérêt, c’était de financer mes vacances, pour cela, il fallait venir à l’atelier et travailler. Après, c’est devenu une passion. Mon père a commencé en 1965 et moi, j'ai pris le relais et je continue. Nous avons la chance d’avoir un atelier assez connu en Algérie et ailleurs. Depuis qu’il a commencé à travailler, il y a des pièces au Japon, aux États-Unis, au Canada et beaucoup en Europe. »

Ses études aux Arts décoratifs à Limoges et ses voyages à travers le monde ont profondément influencé le travail de Toufik Boumehdi, lui permettant de mélanger différentes cultures et styles dans ses créations. « Mes études à Limoges, ce n’était pas pour apprendre beaucoup plus de choses, mais c’était surtout pour me dissocier un peu de [l]a façon de [mon père de] voir la céramique et donc de faire ma céramique. C’est-à-dire mon parcours personnel. C’est ce qui m’a construit. Entre ce qu’il m’a appris et ce que j’ai appris, cela a fait une céramique qui est plus ou moins personnelle. J’ai appris beaucoup avec les rencontres, avec ce que j’ai vu des autres, de ce qu’ils ont fait, d’autres réalisations. Du IXᵉ siècle jusqu’à la céramique turque en passant par la céramique espagnole, italienne, française. Après Limoges, j’ai remarqué que ma céramique avait un côté européen, un côté maghrébin. C’était ce mélange de tout ce qui m’a plu, qui m’a touché. Mon inspiration, c’est cela, c’est un peu universel. »

Toufik Boumehdi considère chaque commande comme un défi et une opportunité d’exprimer son art. « Des fois, nous avons une commande, quelqu’un qui vient me voir et me dit : "J’ai une façade, j’ai un meuble". Je regarde et je me dis : "Il n’y a pas assez de lumière, il faut quelque chose de lumineux". Si je vois qu’il y a beaucoup de couleurs, j’essaye d’en mettre moins. J’agis. C’est une recherche. Je cherche quelque chose d’adapté qui va venir agrémenter un endroit. Des fois, c’est floral parce que c’est un style qui est demandé. Quand je vois une maison mauresque, là, je me régale, c’est aussi ma spécialité. J’ai ma particularité, je ne mets pas énormément de couleurs. Je travaille beaucoup avec les bleus, les turquoises, très peu de jaune. Ce sont les couleurs de mes aïeux, de mes ancêtres dans la céramique, des oxydes métalliques. Donc, on va travailler avec du cobalt, avec du cuivre, du chrome. Mais quand les demandes ne semblent pas me correspondre, je botte en touche. Des fois, cela m’arrive. »

Dans son atelier, Toufik Boumehdi collabore avec une équipe de 10 personnes, mais c’est sa vision personnelle qui guide chaque pièce. « C’est une petite équipe, chacun a sa spécialité. Moi, je coordonne, je fais, j’oriente. J’ai ma petite partie aussi. Je suis l’homme à tout faire dans l’atelier, donc je mets tout le monde à contribution, je demande comment ils voient les choses. Je ne peux pas tout savoir, donc je demande. Je demande à ma femme aussi, qui est ma collaboratrice. »

Son style se caractérise par des formes épurées, s’éloignant de la complexité géométrique au profit de lignes douces et arrondies. « Choisir une forme et puis me dire à quel endroit cela va aller et avec quel type de décor. Un crayon, un dessin, après, je mets sur un pochoir, un calque, que nous allons retranscrire sur la forme, après le tracé avec un pinceau très fin noir et après, nous mettons les couleurs. Selon que c’est un biscuit rouge ou blanc, soit avec des argiles rouges ou blanches. L’argile blanche permet de travailler sur le biscuit directement. Nous allons travailler dessus et mettre nos couleurs, tout notre décor ensuite, suivi par un émail transparent et nous le mettons dans le four. À l’opposé, le biscuit rouge, le support, le vase en terre rouge, comme une brique, nous mettons une couche de blanc émaillé. Nous allons le travailler et puis le mettre dans le four. L’argile blanche me permet d’être plus fin. L’émail blanc sur biscuit rouge, c’est l’émail rouge. C’est comme si je travaillais sur de la farine. Deux coups de pinceau, et l’émail peut partir. L’expérience me permet d’avoir un coup de pinceau sûr. Je sais où je le pose, je finis et je ne reviens plus dessus. Sur une argile blanche, je peux bricoler, gratter, refaire. »

Toufik Boumehdi ne se limite pas à la céramique, il explore également le verre pour enrichir son œuvre et ses techniques. « ​​​Il n’y a pas très longtemps, j’ai découvert le verre. En fait, je fais du fusing. Avec la technique du fusing, là aussi, il y a fusion, il y a cuisson, il y a émaillage, il y a les pièces en verre. Et là aussi, j’essaie d’allonger en fait ma palette avec une autre expérience. Et le verre, il a besoin de lumière. Cette transparence m’intéresse beaucoup. Donc, j’y vais aussi. On peut faire des décors, on peut faire plein de choses. C’est ouvert aussi. On peut travailler avec des poudres comme un émail, qu’on peut travailler soit au pinceau, soit à la spatule. Il y a toutes les possibilités, il faut tout faire. Le verre, c’est du sable, ce n'est pas très loin de la terre. »

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