Son magistral troisième album au maloya revisité a pour titre Bleu. Au Babel Music Xp (Marseille), elle a irradié la scène avec le projet « Lagon Noir ». Par une fin d’après-midi d’un jour tout gris, pour dessiner les contours de son portrait, on a demandé à l’artiste réunionnaise Ann O’aro d’invoquer la couleur de ses émotions.
Poète, compositrice, musicienne et chanteuse, Anne-Gaëlle Hoarau de son vrai nom, c’est un ouragan de vie, d’envies et un sourire juvénile aussi, derrière lequel il est bien difficile de deviner un passé de violence, d’abus, de dérive à la marge de la folie. Et pourtant c’est bel et bien ce que raconte, pour partie, le blues écorché de ses trois albums.
Pour le comprendre, revenons un peu en arrière...
En 2007, à 17 ans, Ann O’aro est jeune bachelière. Elle quitte la côte ouest de l’île de la Réunion et le lieu-dit de son enfance profanée : Tan Rouge. Direction le Canada. C’est là-bas qu’elle découvre la musique de son île et ses héros, Danyèl Waro en tête. Tatoueuse itinérante, elle vit beaucoup de trocs. Expulsée du Québec, elle débarque à Paris, trouve refuge dans un squat d’artistes, découvre la musique de rue et des arts du feu.
En 2011, Ann O’aro est de retour à la Réunion. Elle a 21 ans et commence à se réapproprier son corps et sa vie. Avec la naissance de son premier enfant puis avec la danse.
Sept ans plus tard, nous sommes en 2018, les pulsations lancinantes des percussions traditionnelles du maloya (le kayamb, le rouler, le sati), parfois soutenue de flûtes et même d’une trompette, font s’envoler sa voix et jaillir des images qui sonnent. Le premier album de celle qui a appris la musique « en lisant les partitions comme des livres » est un véritable manifeste poétique de l’intime.
En 2020, Anna O’aro a 30 ans, a publié un 1er recueil de poèmes et est devenue trio. Avec Teddy Doris au trombone et Bino Waro aux percussions, elle fait valser les fantômes et s’amuse. Avec les mots et leur sonorité. Avec les mélodies. Et avec le maloya aussi, qu’elle revisite encore et toujours. Dans une langue d’une puissance évocatrice cinglante, elle pose sur Langoz, son 2ème album, un regard lucide et souvent implacable sur elle-même mais également et surtout sur la société réunionnaise d’hier et d’aujourd’hui.
Quatre ans plus tard, en 2024 donc, Ann O’aro est devenu quartet (avec Brice Nauroy aux machines). Et sur son troisième opus, Bleu, c’est nouveau et loin d’être anodin, elle se met au piano pour accompagner son chant.
Voilà, dans les grandes lignes, le parcours d’Ann O’aro. Le reste, je vous laisse le découvrir entre deux éclats de rires, à Marseille, alors qu’avec un autre quartet au pedigree de haute volée, Lagon Noir, d’Ann O’aro s’apprête à irradier la scène du Babel Music Xp, le hub méditerranéen des musiques planétaires.
Par une fin d’après-midi d’un jour tout gris, me voici attablée avec une artiste qui de ses fêlures a fait des fleurs et nous en offre toutes les couleurs, graves et légères, intimes et universelles….
Pour suivre Ann O’aro
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Titres diffusés
Extraits de Bleu (Cobalt – 2024) : « Bleu » ; "Lanbordaz » ; « In Utero Militari » ; « Vane Lo Sor « ; « Les ailes du cafard » ; « Lacrimosa » ; « Kalu » ; « Saple » ; « Lak Otab » ; « Bouyon Lo Rosh »
Extraits de Longoz (Cobalt – 2020) : « Longoz » ; « Pik Drwat » ; « Talon Malgash » ; « Wa Sobaté » ; « Aswar »
Extraits de Ann O’aro (Cobalt – 2018) : « Lo shien » ; « Kap Kap » ; « Le corps Conquis » ; « Zardin » ; « Dann fon laba » ; « Oktob »
Et aussi :
« Lam Santyé (Kwasa Kwasa) » avec Lagon Noir
Un extrait du concert de Lagon Noir au Babel Music XP (mars 2024).
Journaliste : Hortense Volle
Réalisation : Benjamin Sarralié
Mixage 3D en Dolby ATMOS pour une écoute immersive au casque :
Jérémie Besset
Responsable d'unité de production FMM – RFI Labo : Xavier Gibert