Ce jour-là, Mot Binama l'Être Humain va rendre visite à ses parents de l'autre côté de la grande forêt. Arrivé au cœur de la forêt, il entend soudain des gémissements qui viennent de quelque part.
« Euh !!! Qui va me tirer de ce mauvais pas ? »
Intrigué, il se dirige vers la source des lamentations et là, il trouve Mvomo le Serpent Boa pris dans un piège que les petits de la forêt équatoriale du Cameroun appellent Egoudi : le tronc est sur le serpent boa, la tête d’un côté, la queue de l’autre.
Mot Binama l’Être Humain prend pitié, il soulève le tronc et libère Mvomo le Serpent Boa. Une fois hors du piège, Mvomo le Serpent Boa dit à Mot Binama l'Être Humain :
MVOMO LE SERPENT BOA : « Je ne te témoignerai jamais assez ma gratitude. Tu viens de me sauver la vie. Comme tu as commencé à me sauver la vie, sauve-moi la vie jusqu’au bout ! Ça fait trois jours que je suis coincé sous ce tronc, je n’ai rien mangé et je n’ai plus assez de force pour aller chercher un autre gibier. Le seul gibier à ma portée c’est toi, laisse-toi avaler ! »
MOT BINAMA L'ÊTRE HUMAIN lui répond : « Ah non hein ! Ah non, c’est hors de question hein ! Tu ne penses tout de même pas que je t’ai sauvé la vie pour que tu prennes la mienne ! »
MVOMO LE SERPENT BOA lui répond : « Je te comprends. Mais comprends-moi aussi, j'ai faim, moi. À quoi cela t'aura servi de me sauver la vie, si c'est pour me laisser mourir de faim ? Laisse-toi avaler. Pourquoi la nourriture est-elle en train de discuter avec moi ? »
MOT BINAMA L'ÊTRE HUMAIN lui dit : « Non, non, non, c’est hors de question ! »
Là-dessus arrive So l’Antilope.
MOT BINAMA L'ÊTRE HUMAIN voit l’antilope et l’appelle : « So l’Antilope, s’il te plaît, viens nous trancher ce contentieux. »
SO L’ANTILOPE arrive et dit : « Qu’est-ce qui se passe ? »
MOT BINAMA L'ÊTRE HUMAIN lui dit : « Voilà, je viens de sauver Mvomo le Serpent Boa d’une mort certaine. Mais dès qu’il est sorti du piège, il commence à me dire… Wouahhh ! Ca fait trois jours qu’il n’a pas mangé et que moi je devrais lui servir de déjeuner, je ne suis pas d’accord du tout. S’il te plaît So l’Antilope, tranche nous ce contentieux. »
So l’Antilope regarde Mot Binama l'Être Humain, un prédateur. So l’Antilope regarde Mvomo le Serpent Boa, un autre prédateur.
SO L’ANTILOPE dit aux deux belligérants : « Je pense que cette situation mérite réflexion. Je vais me concerter avec moi-même, et je reviens vous trancher ce contentieux, ne bougez surtout pas ! »
So l’Antilope s’en est allée et n’est plus jamais revenue.
Pour ne pas vous fatiguer plus longtemps les oreilles, sachez que tous les animaux à tour de rôle ont été sollicités par les belligérants. Mais aucun d’entre eux n’a voulu trancher ce contentieux entre ces deux prédateurs.
Entre temps la journée avance, le soleil lui-même commence à trouver le temps long. Il s’apprête à aller se coucher.
Mvomo le Serpent Boa est de plus en plus énervé, ça tire vers le quatrième jour de diète.
MOT BINAMA l'ÊTRE HUMAIN, de son côté, se dit : « Ah ! Je ne vais quand même pas finir mon existence dans le ventre d’un maudit serpent que j’ai sauvé ? »
C’est juste à ce moment qu'arrive Kounou la Tortue.
MOT BINAMA l'ÊTRE HUMAIN voit la tortue et l’appelle : « Ah Kounou la Tortue, viens s’il te plaît nous trancher ce contentieux ».
KOUNOU LA TORTUE arrive et demande à Mot Binama l'Être Humain : « Qu’est-ce qui se passe ? »
MOT BINAM L'ÊTRE HUMAIN lui dit : « Voilà ! Je viens de sauver Mvomo le Serpent Boa d’une mort certaine. Dès qu’il est sorti du piège, il commence à me dire… Wouahhh ! Ça fait trois jours qu’il n’a pas mangé et que moi je devrais lui servir de déjeuner. Je ne suis pas d’accord du tout et aucun animal dans cette forêt ne veut nous trancher ce contentieux. S’il te plaît, fais quelque chose ! »
Kounou la Tortue regarde Mot Binama l'Être Humain et se dit que c’est un prédateur. Elle regarde aussi Mvomo le Serpent Boa, un autre prédateur, et elle dit :
KOUNOU LA TORTUE : « Je pense que cette situation mérite une profonde réflexion. Je vous suggère de faire une reconstitution. »
C’est donc ce jour-là que Kounou la Tortue a inventé cette technique policière et judiciaire qu’on nomme ‘’reconstitution’’. Il s’agit simplement de remettre les choses en place comme elles s’y trouvaient avant que la situation ne devienne carabinée.
MVOMO LE SERPENT BOA accepte de se remettre dans le piège, il dit : « Aucun souci, si ça peut me permettre de manger, je fais ce que tu me demandes ! »
KOUNOU LA TORTUE s’adresse à Mot Binama l'Être Humain : « Accepterais-tu de soulever le tronc afin que Mvomo le Serpent Boa puisse s’y glisser pour la reconstitution des faits ? »
MOT BINAMA L’ETRE HUMAIN lui répond : « Si ça peut me sauver la vie, il n’y a aucun souci ! »
Alors Mot Binama l’être humain soulève le tronc.
Mvomo le Serpent Boa se glisse sous le tronc.
Et là, KOUNOU LA TORTUE dit à Mot Binama l'Être Humain : « Lâche le tronc !»
Mot Binama l'Être Humain lâche le tronc. Le tronc tombe sur Mvomo le Serpent Boa, la tête d’un côté, la queue de l’autre.
Alors, KOUNOU LA TORTUE s’adresse à Mot Binama l'Être Humain et lui dit : « Mon ami, comme tu es si généreux... Je suppose que tu vas encore le libérer. Mais, attends que je sois très très loin d’ici, avant de faire tes bêtises ».
Nos ancêtres Béti ont tiré de ce conte un proverbe qui dit : Un bienfait n’est pas toujours payé en retour.
L’Afrique en conte est une série créée par l'ONG Des Livres Pour Tous - Côte d'Ivoire et le collectif Making Waves, en partenariat avec RFI. Ce projet a reçu le soutien du dispositif « Accès Culture » de l’Institut français de Paris et de l’Agence française de développement (AFD), du programme « ACP-UE Culture pour l’Afrique de l’Ouest - Awa » de l'Institut français et du Centre culturel Kôrè, du dispositif « Agir » du Département de Seine-Saint-Denis et de la Région Île-de-France.