La mondialisation du braconnage


Episode Artwork
1.0x
0% played 00:00 00:00
Mar 08 2025 2 mins   7

Des pangolins morts ont été retrouvés par les douanes françaises dans des bagages en provenance du Cameroun. Partout sur la planète, des dizaines d’espèces protégées sont la cible de trafics. Une économie souterraine qui menace la biodiversité, mais aussi l'humanité.

De la viande morte dans des valises... C'est une découverte dévoilée la semaine dernière par les douanes françaises : les corps de onze pangolins ont été retrouvés dans les bagages d'une voyageuse en provenance du Cameroun. Une saisie qui confirme que le trafic des espèces menacées se porte bien. Bienvenue dans la mondialisation du braconnage.

Accusé à tort dans l’affaire du Covid, le pangolin est décidément un héros bien malgré lui : il est le mammifère le plus chassé illégalement dans le monde. « Le pangolin est le couteau-suisse de la médecine traditionnelle chinoise, censé favoriser la lactation, stimulant sexuel, roboratif… La question serait plutôt à quoi il ne servirait pas, ironise Charlotte Nithart, porte-parole de l’association écologiste française Robin des bois. Le pangolin chinois étant considéré commercialement éteint, les fournisseurs se sont donc rabattus sur le continent africain. »

La Chine, destination finale

Toutes les espèces de pangolin sont sur la Liste rouge de l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature, classées en danger critique d’extinction. Sa disparition serait inquiétante pour l’équilibre de la biodiversité, et pourrait entraîner une prolifération des termites et fourmis dont le mammifère se nourrit. Mais le trafic continue, et le pangolin est un parfait exemple de la mondialisation du braconnage. « En Afrique, vous avez beaucoup d’expatriés chinois qui travaillent sur des chantiers et qui servent de fournisseurs, d’intermédiaires, de rabatteurs, poursuit Charlotte Nithart. Ce petit mammifère absolument pacifique a une stratégie face à un ennemi : il se met en boule ; une affaire en or pour le braconnier qui n’a plus qu’à le ramasser. »

Dans L’Atlas du business des espèces menacées, publié par Robin des bois, de nombreux trafics d’espèces animales convergent effectivement vers la Chine. Les Routes de la soie sont aussi des routes de la mort. Première cause pointée par Charlotte Nithart, « la puissance de lobby et financière de la médecine traditionnelle chinoise qui ne veut surtout pas perdre de terrain. Il y a aussi l’aspect "signe extérieur de richesse" : pour un repas de notables, servir de la viande de tigre ou de pangolin, ça fait son effet… Enfin, il y a le nombre d’habitants, tout simplement. » C’est mathématique : le pays le plus peuplé au monde est celui qui consomme le plus d’espèces issues du trafic illégal.

Oiseaux en cage

Mais au-delà des grands mammifères (tigres, éléphants, rhinocéros…), la survie d’espèces animales moins « charismatiques » est aussi menacée. C’est le cas par exemple du chardonneret élégant, un passereau, un petit oiseau haut en couleurs bariolé de rouge, jaune et noir. Son chant est recherché, et c’est aussi pour ça que l’oiseau est recherché, traqué, depuis des siècles, à tel point qu’il est quasiment éteint en Afrique du Nord.

« Il en reste au Maroc, un hotspot du trafic. Le chardonneret étant migrateur, il est de plus en plus piégé tout le long de sa route de migration, à la glu ou par des filets », explique la porte-parole de Robin des bois. Ce trafic mondialisé obéit à la loi du marché : « Moins il y en a, plus il vaut cher. Au Maroc, le chardonneret se vend quelques dizaines à une centaine d’euros. Le prix d’un couple revendu en France ou en Belgique peut atteindre 500 euros. Il y a donc de l’argent à se faire. »

Économie de guerre

Le chiffre d'affaires annuel du trafic de toutes les espèces menacées est estimé aujourd’hui à 17 milliards d’euros. Une économie de guerre, souterraine, qui s’approprie le bien commun. « C’est une guerre, souligne Charlotte Nithart, avec des morts parmi les rangers ou les défenseurs de l’environnement, mais aussi les braconniers. Ces trafics financent des groupes terroristes ou des milices clandestines : la paix, tout simplement, est remise en cause par le braconnage. »