À Madagascar, différentes ONG encouragent depuis une dizaine d’années les habitants des zones rurales à se regrouper en Avec (Associations villageoises d’épargne et de crédit). Des sortes de tontines, qui permettent à leurs membres d’obtenir des emprunts pour financer de nouvelles activités génératrices de revenus et de récupérer à la fin de chaque cycle de collecte un petit capital qui a fructifié pendant les neuf mois de collecte.
De notre envoyée spéciale à Ankadinondry Sakay,
Dans le Bongolava, région des Hautes Terres centrales, différents villages ont adopté ces nouveaux moyens d’entraides.
Comme tous les vendredis à 6h, Nirina Ranomenjanahary, président de l’Avec d’Ankadinondry Sakay, se réunit dans une cour à l’abri des regards avec les seize autres membres. « Bienvenue à vous qui êtes ici pour notre réunion d’aujourd’hui ! Je vais commencer par vous présenter les derniers chiffres de notre cagnotte. » Ensemble, ils décident de l’octroi de crédits.
Autour de lui, des poussins ne cessent de piailler et interrompent la réunion. Ils sont la fierté de l’agriculteur. C’est grâce à l’emprunt de 30 000 ariarys (soit 6 euros) auprès de l’Avec que Nirina a pu s’acheter une poule.
« Tu achètes une poule qui te donne 13 poussins. Avec 30 000 ariarys, j’ai réussi à avoir 14 poules ! », se réjouit le président de l'Avec. Avec fierté, il montre la « maman », une petite poule noire.
« C'est simple et rapide »
« Avec notre association villageoise, c’est simple et rapide, poursuit Nirina Ranomenjanahary. Si j’avais choisi une banque de microfinance, j’aurais dû aller à la ville, on m’aurait demandé plein de papiers, avant de peut-être obtenir un crédit. Mais grâce à l’Avec, j’ai eu ce que je voulais en une journée. Donc, c’est doublement bénéfique ! Pour moi, bien sûr, mais aussi pour les autres membres. Parce que l’argent de la caisse, il prend de la valeur, grâce aux intérêts de 10% versés à chaque remboursement de crédit. »
Nirina prévoit déjà un nouvel emprunt pour s’acheter un cochon. Un projet qui réjouit Bruno Velonosy, superviseur sécurité alimentaire chez Action contre la faim, qui conseille et soutient les membres des Avec.
« Pour nous, l'objectif, c'est l'amélioration des vies des ménages, explique Bruno Velonosy. On travaille avec des personnes vulnérables, donc ils n'ont pas suffisamment d'argent pour faire quelque chose à grande échelle. Donc, on les incite, avec les petits moyens qu’ils ont, à investir dans la mise en place d’activités génératrices de revenus. Parce que si on a plus d’argent, on a accès à une meilleure alimentation. »
Et c’est bien là tout l’enjeu : permettre aux habitants de cette région, fortement touchée par la malnutrition chronique, de trouver des solutions en toute autonomie.
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Des modèles qui se dupliquent à travers la région
Autre village, autre Avec, où l’on procède désormais à la collecte des cotisations des membres. Ici, les membres sont exclusivement des femmes ; c’est l’une d’elles qui a décidé de créer l’association, sans appui d’ONG. Bako Hanitriniaina a adhéré il y a un an et demi, pour « créer plus de lien social », explique-t-elle. Elle emprunte quasiment chaque semaine 30 000 ariarys pour acheter de la provende pour son cochon. Des prêts qu’elle rembourse à la fin de chaque mois.
« Pour le moment, on est en période de soudure, donc les cotisations sont assez faibles, mais dès les récoltes de mars, les cotisations vont réaugmenter et alors on pourra récupérer jusqu’à 300 000 ariarys (60 euros, soit plus que le salaire minimum) à la fin du cycle. »
Une belle aubaine pour les membres. Le Bongolava devrait bientôt compter une centaine d’associations villageoises dédiées au crédit et à l’épargne. La moitié ont été créées par des habitants désireux de dupliquer un modèle observé dans les villages voisins.
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