Une hécatombe inédite, restée quatre années sans explications. En 2020, dans le delta de l’Okavango, au Botswana, les dépouilles de 350 éléphants étaient retrouvées sans aucune trace de coups ni blessures. Les théories se sont succédé pour expliquer leur décès, sans succès, jusqu’à ce mois de décembre.
Un empoisonnement volontaire à des fins de braconnage ? Une maladie inconnue ? Durant quatre ans, chacun y est allé de son explication, insatisfaisante, pour expliquer le décès – inédit dans ces proportions — des 350 éléphants botswanais. Le mystère semble pourtant en passe d’être résolu : en ce mois de décembre 2024, des chercheurs annoncent avoir découvert « la » coupable.
Dans leur étude publiée dans la revue scientifique Science of the total environment, ils pointent en effet du doigt la cyanobactérie. Il s’agit d’un micro-organisme, invisible à l’œil nu, qui pullule dans les retenues d’eau douce chaude et riche en nutriment. Ces bactéries forment alors de larges colonies prenant la forme d’algues à la couleur bleu-vert caractéristique, et sont toxiques.
À l’aide d’imagerie satellite, les auteurs de l’étude ont analysé la couleur des points d’eau à proximité des cadavres des éléphants, et ont effectivement trouvé une corrélation. Les scientifiques formulent alors l’hypothèse que les pachydermes n’ont eu d’autre choix que de boire cette eau contaminée, avant de mourir quelques jours plus tard.
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Cette hypothèse est renforcée par les conditions météorologiques qui régnaient alors au nord du Botswana. Les températures étaient anormalement élevées pour la saison, et l’événement a été précédé par d’importantes pluies qui ont ruisselé dans les points d’eau, charriant ainsi les nutriments nécessaires à l’expansion des colonies de cyanobactéries. On peut alors tirer un lien avec les conséquences du réchauffement climatique : une chaleur anormale et un régime de précipitations plus intenses en sont en effet deux marqueurs. De fait, le phénomène est bien documenté : les proliférations de cyanobactéries se multiplient en raison du changement climatique.
L’hécatombe kazakhe
L’hécatombe botswanaise n’est pas un événement isolé. La même année, au Zimbabwe cette fois, 35 éléphants périssaient infectés par une bactérie, avec là aussi un lien avec les conditions météorologiques. L’exemple le plus frappant a cependant été observé quelques années plus tôt, en 2015, au Kazakhstan. En une semaine à peine, 250 000 antilopes saïgas périssaient, foudroyées par une maladie inhabituelle. Pas de cyanobactérie cette fois, mais un autre micro-organisme : à la faveur d’une température élevée – près de 40 degrés – et d’un fort taux d’humidité, elle a pu passer dans le sang des animaux, morts ensuite d’une septicémie hémorragique, un empoisonnement du sang.
Des événements de mortalité massive
Dans telles proportions, on appelle ça un « événement de mortalité massive ». Cela peut toucher n’importe quelle espèce, des coraux aux chauves-souris, et peut parfois la mener au bord de l’extinction. S’il s’agit d’un événement naturel, des éléments laissent à penser qu’il apparaît de façon plus fréquente avec le réchauffement climatique. Celui-ci favorise en effet l’émergence de conditions inhabituelles permettant un événement de mortalité massive de survenir, à l’image de celui qui a été fatal aux éléphants botswanais et aux antilopes kazakhs.
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