À la demande de l’Union européenne, la Convention de Berne a assoupli le 3 décembre dernier le statut du loup d’espèce « strictement protégée » à espèce « protégée », ce qui devrait permettre d'en abattre davantage. C’était une revendication des éleveurs notamment, dont s’est fait l’écho la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen
Alors que ce grand prédateur était en très mal en point dans les années 1960 - il avait disparu de nombreux pays ouest-européens comme la France, l'Allemagne ou encore ceux du Benelux, des politiques volontaristes de protection de la nature ont permis son retour. Aujourd'hui, il y a 20 000 loups dans l'Union européenne (UE), c'est quasiment le double d'il y a dix ans. « En Allemagne par exemple, le taux de croissance de sa population a atteint jusqu'à 30 ou 40 % par an », indique Guillaume Chapron, chercheur à l'Université suédoise des Sciences Agricoles. Et le loup évolue désormais dans des zones où l'humain s'était déshabitué à sa présence : par exemple sur la façade atlantique en France. « C'est un succès de conservation, poursuit ce spécialiste de la conservation des grands prédateurs, pour autant les scientifiques ne considèrent pas que l'espèce soit hors de danger ni abondante ».
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Alors pourquoi vouloir tuer plus de loups ?
Parce qu'ils attaquent les élevages, principalement de brebis mais aussi de rennes semi-domestiques en Suède, causant des pertes économiques et un fort impact psychologique pour les éleveurs. « Avant le loup attaquait les animaux la nuit, maintenant, il attaque le jour. Avant, il attaquait des troupeaux non protégés, maintenant la quasi-totalité des élevages sont protégés, alors il attaque des troupeaux protégés, liste Claude Font, responsable du dossier ‘prédation’ au sein de la Fédération nationale Ovine (FNO) en France. Le loup s'adapte à son territoire, à tout ce qu'on peut lui mettre comme obstacle... Donc cette déclassification du loup est bienvenue pour les éleveurs car cela va permettre de passer d'une politique de protection des troupeaux à une politique de régulation des loups ».
D’après les estimations des scientifiques de l’Initiative pour les Grands Carnivores en Europe (LCIE), les loups présents dans l'UE tuent en moyenne chaque année 56 000 animaux domestiques sur un total de 279 millions de têtes de bétail, soit 0,02 % du cheptel.
Mais il n'y a pas que les éleveurs qui se plaignent du loup, les chasseurs aussi. Eux le perçoivent comme un concurrent parce qu'il tue des chevreuils et des cerfs pour se nourrir, chevreuils et cerfs que ces chasseurs préfèreraient tuer eux-mêmes.
Depuis des années, la droite européenne se fait donc l'écho de ces revendications d’une partie du monde rural. Mais cette fois-ci, le changement de statut du loup a connu un coup d'accélérateur... à la faveur de la campagne pour les dernières élections européennes marquées par un mouvement de colère agricole, mais aussi après la mort du poney d'Ursula von der Leyen, Dolly, tué par un loup en 2022.
Cette modification du statut de protection du loup doit encore être transcrit au niveau européen - il faudra pour cela modifier la directive « Habitats » qui établit le cadre pour la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages dans l'UE. Ensuite, chaque pays pourra décider d'assouplir ses règles. Les ONG environnementales et les scientifiques craignent d'ailleurs que la méthode employée pour modifier cette directive européenne concernant le statut du loup « ouvre les vannes », comme l'indique le chercheur Guillaume Chapron, pour réduire la protection d'autres espèces comme l'ours ou le lynx. Le parti conservateur européen semble en avoir le projet.
Tuer davantage de loups est-il efficace pour réduire les attaques contre les élevages ?
Les scientifiques estiment que non. Bien souvent, tuer un loup après une attaque n'a qu'un effet temporaire et local car cela déplace simplement la meute. Pour Guillaume Chapron, les mesures de protection — enclos électrifié, présence d'un berger, présence de chiens éduqués à la défense face au loup – montrent des résultats beaucoup plus durables.
Il rappelle par ailleurs que le loup a des effets bénéfiques pour d'autres secteurs économiques : « il permet par exemple l'écotourisme dans certaines zones montagneuses en Espagne et aide l'industrie forestière en régulant la population d'ongulés [cerfs, chevreuils, etc] ». Plus largement, il est utile dans les écosystèmes forestiers européens, indique l'ong écologiste WWF.
Guillaume Chapron estime qu'il s'agit, au fond, d'un choix politique : « sur le continent européen, c'est 350 millions d'habitants face à 20 000 loups... C'est assez remarquable de voir qu'on demande aux 20 000 loups de prendre moins de place ».
Enfin, il y a un aspect culturel très fort autour du loup, lié notamment aux mythes, à la littérature... La cohabitation avec ce grand prédateur, tantôt fascinant tantôt effrayant, est donc plus ou moins acceptée selon les pays d'Europe.