Anniversaire: la collection «Continents noirs» souffle cette année ses vingt-cinq bougies


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Jan 04 2025 4 mins   2

Il y a vingt-cinq ans les éditions Gallimard créaient la collection « Continents noir » consacré aux écrivains d’Afrique et de sa diaspora. L’initiative a été longtemps décriée et ses fondateurs accusés de vouloir ghettoïser la littérature africaine. Il n’en reste pas moins que cette collection, aujourd’hui riche de ses quelque 130 titres, a permis de faire émerger quelques-uns des grands noms des lettres africaines contemporaines. Entretien avec Jean-Noël Schifano, directeur de la collection.

RFI : Bonjour, Jean-Noël Schifano. Voulez-vous nous rappeler les circonstances de la naissance de la collection « Continents noirs »?

Jean-Noël Schifano : C’est une aventure littéraire qui a commencé avec le voyage fondateur que j’ai fait avec Antoine Gallimard au Gabon, à Libreville, en janvier 1999. Pendant le voyage, Antoine m’a dit : « Ce serait bien si tu prenais la tête d’une collection qui concerne l’Afrique et les écrivains africains et qu’on fonde la collection dans la maison Gallimard ». Et exactement un an après, on vient présenter au même lieu, au Gabon, à Libreville, cinq premiers auteurs de « Continents noir ». Voilà vingt-cinq ans après, on en est avec plus de 130 titres, 54 auteurs et une trentaine de prix littéraires.

Qui sont les cinq premiers auteurs de la collection ?

Les cinq premiers auteurs de Continent noir sont Gaston-Paul Effa et son roman Le cri que tu pousses ne réveillera personne, Justine Minsa et son roman qui s’appelle Histoire d’Awu, traduit aux Etats-Unis et qui ne cesse d’être réimprimé, Sylvie Kandé, une très grande poétesse, très grande styliste et son premier ouvrage Lagon Lagune, postfacé par Edouard Glissant, La révolte du Komo, roman d’un Malien Aly Diallo. Et parmi eux, Antoine Gallimard m’a proposé de publier une des plus puissantes racines des littératures africaines : le Nigérian Amos Tutuola. Le roman traduit dans la langue de Voltaire en 1953 par Raymond Queneau. Le titre de ce roman L’Ivrogne dans la brousse. C’est un roman yorouba, chef-d’œuvre absolu, son auteur Amos Tutuola est un grand écrivain, personne ne peut le nier. Eh bien, quand il est mort, deux ans avant la sortie des premiers « Continents noirs », personne au monde n’en a parlé. Il n’y a eu rien dans les médias, ni en France, ni en Angleterre où Tutuola publiait chez Faber and Faber. Dans « Continents noirs », je suis très heureux d’avoir aidé à sa résurrection.

Racines et découvertes sont les logiques sur lesquelles vous avez bâti « Continents noirs ». Quels sont les principaux auteurs découverts au cours des vingt-cinq années écoulées ?

Je vous donne les auteurs qui ont publié chez « Continents noirs » leur premier livre. Sylvie Kandé, je vous l’ai déjà nommé, qui a donné Lagon, Lagunes. C’est une auteure qui sait écrire en vers des épopées historiques. Ousmane Diarra dont le dernier roman La route des clameurs est sorti aussi en Folio. Natacha Appanah, qui il y a plus de vingt ans, m’apparaît un beau jour de printemps, timide et radieuse jeune femme, au milieu du Salon du Livre de Paris, le manuscrit des Rochers de poudre d’or à la main et fait aujourd’hui partie du prestigieux, s’il en est, comité de lecture Gallimard. Mahamat Saleh-Haroun, le grand cinéaste fêté à Cannes, à Venise, partout où ses films nous émeuvent tant, il choisit « Continents noirs » pour ses premiers romans. C’est un nouvel écrivain qui est aguerri dans l’art de faire voir et d’émouvoir. Or, qu’est-ce que c’est écrire ? C’est faire voir et émouvoir avec des mots, alors que lui, il a commencé par les images. C’est ça la marche des « Continents noirs ».

Vous recevez à peu près 200 manuscrits par an. Quels sont vos critères de sélection ?

Quelqu’un qui sait écrire, qui sait faire voir et émouvoir. C’est importantissime parce que dans la nostalgie et la vengeance qui sont les deux temps du moteur de l’écriture, eh bien l’Afrique qui a tant souffert, qui vit, qui ressuscite, qui revit, et les écrivains africains qui cherchent toujours un cheminement dans l’écriture, ils ont vraiment une place royale. C’est pourquoi, moi, j’ai toujours voulu faire de « Continents noirs » depuis le début une pointe de diamant de l’écriture universelle et je crois que ces vingt-cinq ans vont confirmer que la pointe de diamant est bien taillée.