RDC-Rwanda : «La complexité de la situation... impose à l’UA d’avancer à pas comptés»


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Jan 26 2025 20 mins   24

C'est le 15 février prochain que les 55 chefs d'État de l'Union africaine éliront le nouveau président de la Commission de l'UA pour un mandat de quatre ans. Trois candidats briguent la succession du Tchadien Moussa Faki Mahamat : le ministre djiboutien des Affaires étrangères Mahmoud Ali Youssouf, l'ex-Premier ministre kenyan Raila Odinga et l'ex-ministre malgache des Affaires étrangères Richard Randriamandrato. RFI offre son antenne, bien sûr, aux trois candidats. Place ce matin au ministre djiboutien des Affaires étrangères. Au micro de Christophe Boisbouvier, il s'exprime d'abord sur la guerre meurtrière en RDC.

RFI : Mahmoud Ali Youssouf, bonjour. La guerre fait rage dans l'est du Congo. La ville de Goma est menacée par les assaillants. Le Congo vient de rompre ses relations diplomatiques avec le Rwanda. Que doit faire l'Union africaine face à cette situation ?

Mahmoud Ali Youssouf : Bonjour. Je dois rappeler d'abord que c'est une crise chronique qui sévit dans cette région de la RDC depuis plusieurs décennies. Ce conflit, d'abord, est un petit peu le reflet de ce qui se passe dans toute la région et d'une certaine histoire. Mais je crois que l'Union africaine a un rôle à jouer et ce rôle, il est déjà assumé par le président João Lourenço de l'Angola qui, je le rappelle, est le champion pour la paix et la stabilité sur le continent. C'est comme ça, ce sont les chefs d'État qui assument certaines questions. On les appelle les champions, il y en a pour l'éducation, pour la santé et le président João Lourenço est le champion de l'Afrique pour la paix et la stabilité. Il est déjà engagé depuis plus de deux ans pratiquement sur ce dossier. Il y a tout un processus qu'on appelle le processus de Nairobi et celui de Luanda. Il a déjà organisé plusieurs réunions au plus haut niveau entre les deux chefs d'État de la RDC et du Rwanda. Et il faut, je crois, que l'Union africaine continue à soutenir les efforts du président João Lourenço, appeler à la désescalade entre la RDC et le Rwanda, et travailler surtout au désarmement des mouvements armés à l'Est du Congo. Comme vous le savez, il y a le M23, mais il n'y a pas que le M23, il y a d'autres mouvements armés tels que les FDLR, la Codeco et les ADF. Donc, il y a une prolifération de mouvements armés dans cette région. Il est très important que les efforts que mène l'Union africaine à travers donc la médiation du président João Lourenço, ces efforts doivent être maintenant plus intenses et éviter surtout plus d'escalade entre le Rwanda et la RDC. Et je crois que l'Afrique doit systématiquement et impérativement éviter un conflit ouvert entre ces deux pays, je crois que c'est toute la région des Grands Lacs qui risque d'être déstabilisée.

Alors vous appelez à la désescalade entre la RDC et le Rwanda. Vous savez que si Kinshasa vient de rompre ses relations diplomatiques avec Kigali, c'est parce que la RDC accuse son voisin rwandais de soutenir les rebelles du M23. L'Organisation des Nations unies et l'Union européenne disent la même chose, mais pas l'Union africaine qui s'est contentée ces derniers jours de réclamer, « la stricte observation du cessez-le-feu convenu entre les parties ». Qu'est-ce que vous pensez de ce refus de l'Union africaine de désigner nommément le Rwanda comme l'un des protagonistes de ce conflit ?

Je crois que la complexité de la situation sur le terrain impose à l'Union africaine d'avancer à pas comptés et surtout de faire en sorte que toutes les chances d'une désescalade rapide restent encore entre ses mains. Je crois que c'est l'objet de la médiation du président João Lourenço qui, lui, essaie donc de passer outre ces accusations et de ramener les parties prenantes autour de la table des négociations. Il y a eu déjà plusieurs réunions. Je pense qu'avec cette histoire de rupture des relations diplomatiques, le président João Lourenço va certainement prendre des mesures encore plus importantes afin d'amener les deux parties autour de la table. Il n'y a pas de baguette magique ou de recette magique. Cela fait des années que les Nations unies sont à l'est du Congo, mais ce n'est pas ça qui a réglé le problème. Je crois que l'objectif principal, c'est de neutraliser ces mouvements armés, de les désarmer et pour cela, il faut des efforts collectifs. Il faut que l'Union africaine s'implique davantage et c'est la seule chose qui compte je crois, au-delà des allégations et des accusations qui viennent de la part des uns et des autres.

Oui, mais vous savez que cette façon de l'Union africaine de marcher à pas comptés, comme vous dites, face au Rwanda, à la différence de l'ONU ou de l'Union européenne, cela agace énormément le président Félix Tshisekedi ?

Je crois que nos chefs d'État, qu'ils soient du Congo ou du Rwanda, ou le président João Lourenço s'efforcent de toute manière de rétablir la paix. L'instabilité et l'absence de paix dans la région n'est profitable pour personne et je pense qu'il est très important de pouvoir se donner les moyens d'agir. Et ce n'est pas en jetant l'anathème sur x ou y qu’on arrivera à résoudre les problèmes.

Est-ce que dans les moyens d'agir peuvent être envisagés des sanctions internationales contre le Rwanda ?

Je crois que l'Afrique a, à travers son acte constitutif, certaines dispositions qui peuvent aider à la résolution des problèmes et je ne voudrais pas m'avancer sur ce terrain-là. Je ne suis pas encore élu et je ne peux pas avoir une position, je dirais, tranchée et je pense que l'acte constitutif, les textes qui nous gouvernent doivent être un petit peu au centre de ce que nous pouvons apporter comme solution dans les crises africaines.

Mahmoud Ali Youssouf, vous êtes le candidat de Djibouti au poste stratégique de président de la Commission de l'Union africaine. Si vous êtes élu le 15 février prochain, quelles seront vos deux priorités ?

Ce qui est important, c'est d'abord poursuivre la mise en œuvre des réformes qui ont déjà été enclenchées depuis quelques années. Et parmi ces réformes, il y a un travail à faire au niveau de la Commission. Dans l'organisation interne de la Commission, sa gestion financière, la gestion de son personnel. Il y a tout un travail qui a déjà été entamé, notamment dans le cadre d'un processus qu'on appelle le processus de Lusaka, les promotions internes, éviter les doublons, mettre en place les règles d'or en matière de gestion, tout un travail de coordination à faire entre les différentes commissions. Éviter que ces commissions travaillent en solo et surtout faire en sorte de créer une certaine synergie, une meilleure coordination également entre les organes décisionnels que nous connaissons tous. L'Assemblée des chefs d'État, le Conseil exécutif, le Comité des représentants et la Commission. Un travail de pédagogie est également à mener. Je crois qu’on ne réinvente pas la roue ici, on a beaucoup de difficultés à surmonter. De nombreux défis également, et je commencerai d'abord par mettre de l'ordre dans la Commission. Cela, c'est un premier élément.

L'une des autres priorités qui me tient à cœur, c'est justement la paix et la sécurité sur le continent. On vient de parler de la question de la RDC. Il n'y a pas que la RDC aujourd'hui, malheureusement, même si c'est un sujet aujourd'hui brûlant, nous avons la crise au Soudan qui est une guerre ouverte ou des milliers et des milliers de gens sont morts, des millions de déplacés. Nous sommes également dans des situations difficiles à gérer dans le Sahel. La Libye également n'est pas encore sortie de cette période de turbulences. Il y a de nombreux sujets relatifs à la paix, la sécurité et je crois que la nouvelle Commission qui arrivera et son président à sa tête auront beaucoup à faire en matière de paix et de sécurité.

La troisième priorité qui me tient à cœur, c'est vraiment d'accélérer le processus d'intégration à travers la Zlecaf. La Zlecaf qui est la zone de libre-échange continental. Vous savez qu'on l'a adoptée, le traité a été ratifié, mais la mise en œuvre de certains mécanismes clés reste encore en souffrance. Notamment la Chambre de compensation qui n'est pas encore mise en place. Nous allons travailler avec le secrétariat de la Zlecaf qui se trouve au Ghana, pour faire en sorte que ces mécanismes soient rendus opérationnels et travailler surtout sur la levée d'un certain nombre de barrières. Il y en a beaucoup, hein, les barrières douanières. Mais il existe surtout des barrières non douanières. Faire en sorte que la circulation des biens et des personnes soit vraiment une réalité et pour cela, il faut mettre en place le passeport africain qui a déjà été lancé en 2017. Mais il y a beaucoup de réticences encore et de résistance pour qu'il soit rendu opérationnel par tous les États membres. Donc, un certain nombre de priorités en matière d'intégration. Surtout faire en sorte que la Zlecaf, qui est la zone de libre-échange continentale, puisse fonctionner proprement. Permettre que ce commerce intra africain qui aujourd'hui n'est que de 18 %, puisse arriver vraiment à des niveaux qui soient acceptables pour tous. En tout cas pour la nouvelle Commission, des niveaux acceptables, ce serait avoir au moins entre 60 % et 70 % de commerce intra africain et le reste avec le monde extérieur.

Alors, dans la lettre confidentielle que le président sortant de la Commission, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, a écrite en septembre dernier aux chefs d'État africains et que Jeune Afrique vient de révéler, le président sortant regrette les limites de ses pouvoirs et de ceux de la Commission de l'Union africaine. Est-ce que vous partagez son diagnostic ?

Je crois que l'acte constitutif de l'Union africaine définit clairement les prérogatives, les rôles et les responsabilités des uns et des autres. Pour ce qui est de la Commission, il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'un organe d'exécution. Les organes décisionnels sont l'Assemblée des chefs d'État, le Conseil exécutif et le Comité des représentants. Le Président de la Commission défend les intérêts du continent à l'international, a également des prérogatives d'orientation, il est vrai, de conseil, il est vrai, également de soutien aux organes décisionnels. Mais il ne faut pas confondre un petit peu les rôles. Je crois que le président Moussa a fait beaucoup de travail durant ses deux mandats. Il a mené à terme cette adoption du traité de la Zlecaf, il ne faut pas l'oublier. Il est vrai également que le niveau d'exécution du premier plan décennal, vous savez que l'Agenda 2063 de l'Union africaine est basé sur cinq plans décennaux. Le taux d'exécution du premier plan décennal est vraiment bas. Il est de l'ordre de 37 %. La plupart des indicateurs sur différents secteurs ne sont pas encore sortis du rouge. Très peu de ces indicateurs sont au vert. Il y a beaucoup, beaucoup de travail à faire, mais je crois qu'il n'est pas facile de mener plusieurs combats de front, surtout lorsque la Commission a des difficultés financières. Sur les 600 millions de dollars de budget 2025 prévus pour l'Union africaine ou la Commission, en tout cas, plus de 300 millions sont fournis par les partenaires pour financer les projets de développement sur le continent. Et vous vous imaginez un petit peu cette dépendance qui certainement limite l'action de la Commission. Il y a également le fait que les États membres, sur un certain nombre de sujets, gardent beaucoup des prérogatives, et ne concèdent rien ou très peu de choses à la Commission. Il y a un travail à faire, surtout de rétablissement de la confiance et un travail à faire de coordination pour que réellement la Commission puisse jouer un rôle non pas central, mais un rôle vraiment de précurseur sur un certain nombre de sujets. Un rôle pionnier. Et en cela la Commission a besoin et des États membres, et des communautés économiques régionales. Je crois qu'un engagement plus fort des États membres pourra nous permettre d'arriver donc à des contrats de performance plus intéressants, dans le 2e plan décennal qui a commencé, je le rappelle, en 2024.

Il faut redéfinir les missions confiées au Conseil paix et sécurité de l'Union africaine, dit le président Moussa. Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ?

Je crois que le Conseil de paix et de sécurité est l'organe permanent qui est chargé de la paix, de la stabilité, de la sécurité sur le continent, à l'instar un peu du Conseil de sécurité des Nations unies. Le Conseil prend des décisions régulièrement sur ces conflits et ces crises. Mais ce qui fait défaut, c'est la mise en œuvre de ces décisions qui sont prises par ce Conseil de paix et de sécurité. Donc il faudra travailler sur le comment améliorer la performance du Conseil de paix et de sécurité dans le cadre de la mise en œuvre des décisions qu'il prend. C'est la demande, surtout pour que le mécanisme qui est mis en place dans l'architecture de paix et de sécurité de l'Union africaine, notamment celui de la prévention, soit renforcé. Et on appelle ça le mécanisme d’alerte rapide.

Pour ce qui est de l'opérationnalisation des forces en attente, chaque région de ce continent est supposée avoir une force en attente. Elle doit être rendue opérationnelle. Le comité des sages qui sont là également pour pouvoir résoudre les conflits, voire même les prévenir, là aussi, ce comité a besoin de moyens. Et enfin, ce qui est très important, ce sont les ressources financières. Il y a ce qu'on appelle un fond de la paix dans lequel il y a à peu près 400 millions de dollars. Jusqu'à présent, les mécanismes pour pouvoir mettre ces fonds à la disposition des missions de la paix sur le continent africain, ces mécanismes ne sont pas en place et on n'arrive pas à travailler sur le déboursement de ces montants, ce sera l'un des rôles de la nouvelle Commission de convaincre les États membres, pour que le CPS, le Conseil de paix et de sécurité, puisse être efficace, il faut qu'il se donne les moyens et pour se donner les moyens, tous ces éléments que je viens d'évoquer doivent être vraiment pris en considération.

Donc, il y a 400 millions de dollars qui dorment dans les caisses d'Addis-Abeba et qui ne servent à rien...

On utilise un petit peu les intérêts qu'ils produisent, mais ces fonds doivent servir aux missions de la paix sur le continent. Et Dieu sait que beaucoup, beaucoup de régions ont besoin justement de ce type de financement pour gérer les situations de conflit ou de crises qui sévissent dans ces régions-là.

Face à vous, Mahmoud Ali Youssouf, il y a deux candidats : le Kényan Raila Odinga et le Malgache Richard Randriamandrato, qu'est-ce qui vous distingue de ces deux autres candidats ?

Le fait que je sois un diplomate de carrière, d'abord, avec 33 ans d'expérience en matière de diplomatie multilatérale, je suis toujours ministre des Affaires étrangères depuis 20 ans, donc je fréquente très régulièrement les arcanes de l'Union africaine, donc c'est une organisation que je connais très bien. Je suis, je viens d'un petit pays, certes, mais un pays carrefour entre les trois continents, un pays qui est un creuset culturel. Aujourd'hui, le monde arabe et l'Afrique se rejoignent à Djibouti. Djibouti est un pays stable qui fait des efforts colossaux en matière de sécurisation de la navigation maritime dans le détroit de Babel-el-Mandeb.

Mon pays a démontré déjà par le passé qu’il était un grand contributeur à la lutte contre la piraterie et le terrorisme. Nous avons des forces qui sont présentes en Somalie sous la bannière de l'Union africaine, en Centrafrique, en RDC, donc un petit pays qui quand même a une contribution louable en matière de paix, de sécurité et je suis un homme qui a cette expérience à mettre au service du continent. Je pense que le temps est venu pour moi de partager cela avec le continent et de me mettre au service de ce continent.

Mais tout de même, Mahmoud Ali Youssouf, le fait que le candidat mauricien se soit désisté en faveur du candidat kenyan, Raila Odinga. Le fait que ce dernier revendique, du moins son ministère des Affaires étrangères, le soutien dès le mois de septembre dernier de quelque 19 pays africains, est-ce que tout cela ne vous inquiète pas ?

Pas du tout, parce que d'abord le vote est secret. Un, deuxièmement, les mêmes promesses de soutien nous sont données également chaque fois que nous rencontrons les leaders africains. Et donc vous voyez un petit peu que les jeux sont ouverts. Mais je crois que j'ai des avantages comparatifs qui me donnent justement cette avance sur les autres candidats. Et je crois que le dernier débat le 13 décembre à l'Union africaine sur ces grandes questions de l'Union a démontré un petit peu le profil des uns et des autres et je reste confiant.

Alors justement, lors de ce débat du 13 décembre, vous avez été le seul des trois à vous exprimer alternativement en français, en anglais, en arabe. Est-ce que c'était une façon de montrer que vous avez un petit avantage linguistique sur vos deux adversaires ?

C'est très important. Je me présente comme un candidat qui est capable de créer des passerelles à travers cette capacité de communication avec toutes les cultures. Je m'exprime dans trois langues sur les six langues de travail de l'Union africaine, et je crois que cela me donne certainement un avantage comparatif par rapport aux autres candidats.

Et Djibouti est membre de la Ligue arabe, c'est ça ?

Pareillement, oui, et nous, Djibouti, sommes également le siège de l’Igad, qui est la Communauté économique régionale que vous connaissez aussi.

Mais quand même, l'ancien Premier ministre kényan Raila Odinga, c'est un poids lourd non ?

C'est un poids lourd dans son pays et peut-être pas forcément sur le continent.

Alors Mahmoud Ali Youssouf, vous avez évoqué les autres crises que traverse le continent africain, à commencer par le Sahel. Quelles sont, à votre avis, les solutions pour mettre fin à la guerre civile dans le nord des trois pays, Mali, Niger, Burkina Faso ?

Il ne faut surtout pas baisser les bras quand il s'agit de lutter contre les mouvements terroristes. Et on le fait ici, dans la Corne de l'Afrique, en Somalie. Il est très important de continuer cette action collective. Ils ont créé une force, je crois, de 5 000 hommes pour lutter contre ces mouvements dans le Nord et il faut les soutenir. Quant au retour à l'ordre constitutionnel qui est exigé par l'Union africaine, nous allons accompagner ces pays-là à mettre en place les conditions de la transition. Certains ont déjà adopté des constitutions, je crois que l'Union africaine, même si elle les a suspendus de la participation dans ses réunions, je crois que nous allons soutenir les efforts de la Cédéao et nous allons accompagner si nous sommes élus à la tête de la Commission, accompagner ces États-là à revenir à l'ordre constitutionnel à travers des élections qui seront organisées à l'issue de la période de transition. Voilà un peu les leviers qui sont disponibles à nos yeux pour l'instant.

Et la présence de miliciens russes du groupe Wagner, qu'en pensez-vous ?

Je crois que toute ingérence dans les affaires des États africains n'est pas la bienvenue. Et de toute manière s'il y a des forces étrangères qui créent le chaos ou je dirais l'instabilité, ce sont des choses que nous n'apprécions pas. Mais les États sont encore des États souverains quand il s'agit de créer des accords de partenariat, l'Union africaine n'a rien à dire sur ce sujet-là. Ce sont des questions souveraines, chaque pays a le droit d'avoir un partenariat, des accords de stratégie militaire avec d'autres pays, mais tout ce qui déstabilise le continent est bien entendu rejeté par l'Union africaine et ça sera le cas si nous sommes élus à la tête de la Commission.

Vous avez parlé de la Libye, est ce que vous craignez une partition du pays entre l'Est et l'Ouest ?

Pour l'instant, la Libye est un pays qui est divisé malheureusement en zone d'influence de pouvoir et il faudrait que nous poursuivions les efforts. Récemment, le Secrétaire général des Nations unies a nommé un envoyé spécial. Ce poste était vacant pendant, je dirais après la démission de monsieur Abdoulaye Bathily, pendant longtemps. L'Union africaine fait ses propres efforts, il y a un comité des chefs d'État dirigé par le président Sassou Nguesso pour essayer d'aider la Libye, mais les efforts doivent se poursuivre et ce qu'il faut surtout éviter, c'est justement la dislocation du pays et surtout ce type de sécession des régions n'est pas la bienvenue sur le continent.

L'une des guerres civiles les plus meurtrières actuellement sur le continent, c'est celle du Soudan. On n’en est bientôt à deux ans de conflit, comment trouver une solution dans cette guerre qui n'en finit pas ?

Là aussi, diplomatiquement, on essaie de le faire. Il y a une plateforme Union africaine- Igad pour essayer de remettre le processus politique sur les rails, parce que la solution au Soudan n'est pas militaire. Il faut que les parties prenantes s’asseyent autour de la table des négociations et qu'on puisse revenir à un processus politique. C'est ce que nous essayons de pousser. D'abord, qu’on parvienne à un cessez-le-feu. Il y a déjà des plans qui ont été avancés et par l'Igad et par l'Union africaine, et la priorité dans le cadre de ces plans, c'est le cessez le feu. Les Nations unies ont aussi à ouvrir des corridors humanitaires, ce n'est pas suffisant à Adré et au Nord aussi, mais il faut continuer.

Je crois que nous avons à Djibouti organisé plusieurs retraites sous l'égide des Nations unies sur le Soudan. La dernière a été organisée en Mauritanie. Il y a un travail diplomatique qui est fait, ce n'est pas suffisant, mais je pense qu’on doit continuer à le faire. Et je rappelle aussi que le Soudan reste sous sanctions de l'Union africaine parce que, dès qu'il y a un changement anticonstitutionnel de gouvernement, la sanction tombe. Ce sont les dispositions de l'acte constitutif. Mais le rôle de l'Union africaine est de poursuivre ses efforts, même si ces pays sont sous sanctions, nous n’arrêterons pas d'essayer donc de trouver une solution pacifique à toutes les crises qui se déclenchent dans les États membres.

Une dernière question, votre pays Djibouti est frontalier de la Somalie et de sa province séparatiste du Somaliland, qui est soutenue par l'Éthiopie, autre voisin de votre pays. Quelle est votre position dans ce conflit ?

Elle a été toujours cohérente depuis, je dirais plus de 30 ans. Djibouti a toujours soutenu l'unité de la Somalie. Cette unité, je crois, elle est remise en question, peut-être même à l'interne maintenant. Certaines régions démontrent un petit peu une certaine dissidence, mais nous sommes aux côtés du président Hassan Sheikh Mohamoud, nous le soutenons. Le gouvernement central doit mener des efforts politiques avec toutes les régions pour justement éviter cette dislocation du pays. Et c'est un peu ce que je disais par rapport à la Libye, la dislocation d'un pays, l'implosion créé plus de problèmes qu'elle n'en résout, aussi bien pour les pays en question que pour les pays voisins. Donc la priorité pour Djibouti a toujours été de soutenir l'unité de la Somalie et de son intégrité territoriale.

Mais est-ce que le soutien de l'Éthiopie aux séparatistes du Somaliland ne change pas la donne ?

Ça, c'est une question qu'il faudra poser aux Éthiopiens.

En tout cas, vous n'êtes pas d'accord avec leur politique sur ce sujet ?

C'est une question qui concerne les Éthiopiens, et pas les Djiboutiens. Voilà ce que je peux dire.

Monsieur le ministre Mahmoud Ali Youssouf, je vous remercie.

C'est moi qui vous remercie et bonne journée.

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