Jan 29 2025 2 mins 12
Au Ghana, des dizaines d’artistes se sont spécialisés dans un art unique : l’affiche de film peinte à la main. Né dans les années 1980, à l'âge d'or des cinémas mobiles, cet art permet aux dessinateurs de réinterpréter à leur manière les affiches des plus grands blockbusters. Avec des effets horrifiques exagérés et une touche burlesque, ces œuvres donnent une vision ghanéenne singulière du cinéma. Aujourd’hui, cet art séduit une clientèle occidentale grandissante, attirée par son originalité et son esthétique audacieuse.
De notre correspondant à Accra,
Poste radio allumé, pinceau en main, Nana Agya s’applique méthodiquement sur une toile en sac de farine d’un mètre cinquante sur un mètre. Dans son petit atelier aux murs bleus, à Teshie, un quartier d’Accra, il donne vie à une créature effrayante : une femme-guêpe géante dévorant des humains, inspirée d’un film d’horreur des années 1950 du réalisateur Roger Corman.
« Certains de mes voisins viennent me voir pour dire : "Pourquoi tu ne peins que des choses qui font peur ? À cause de toi, j'en fais des cauchemars !" Mais moi, j'aime bien peindre des films d’horreurs, c’est cela qui rend le mieux ! »
C’est justement pour ces affiches sanguinolentes et pleines d’humour que des collectionneurs, majoritairement américains, sont prêts à débourser entre 450 et 1 000 dollars l’exemplaire. Une exubérance qui séduit, comme l’explique Robert Kofi, cofondateur de Deadly Prey, une galerie américano-ghanéenne où une dizaine d’artistes, dont Nana Agya, perpétuent cet art : « Ce qui rend nos affiches si uniques, c’est l’imagination que l’on met dedans. Si un film est par exemple trop ennuyeux, on a rajouté de l’action dedans. Chaque jour quelque chose de différent doit être représenté… c’est ça qui provoque cet amour hilarant pour nos posters de films ».
Plus de 500 commandes par an
De quatre posters vendus au début des années 2010, la galerie Deadly Prey reçoit aujourd’hui beaucoup plus. Un regain d’intérêt pour un art né dans les années 80, à l’âge d’or des cinémas mobiles ghanéens.
Joseph Oduro-Frimpong, anthropologue à l’université Ashesi, en explique les origines :« Les exploitants des cinémas mobiles cherchaient à doubler leurs profits. Et l’un des moyens de le faire, c’était d’investir dans des artistes pour faire les affiches pour promouvoir les films. L’aspect exubérant des posters, vient lui en partie de la compétition, qui a fini par faire partie de cet art ».
Mais avec l’arrivée des moyens de reproduction standardisés dans les années 90, cet art a peu à peu disparu. Aujourd’hui, Joseph Oduro-Frimpong milite pour réhabiliter cet héritage culturel, largement oublié par les Ghanéens eux-mêmes.
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