La vision cosmopolite de la mode de Vanessa Djia avec Rovodoa


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Mar 01 2025 9 mins   1

Vanessa Djia, artiste, photographe et designer, propose une mode spontanée grâce à son parcours riche et atypique. Un univers coloré qui fusionne cultures africaines et mode contemporaine. Dans son travail, beaucoup d'intuition et de collaboration avec des artisans du continent africain. Avec sa marque Rovodoa, elle propose des vêtements en série limitée ou pièces uniques. Pour Vanessa Djia, la mode est un vecteur de culture.

« En tant qu'artiste, on crée en permanence. C'est un métier où nous sommes souvent seuls, même si nous sommes souvent entourés. Créer, c'est reconnecter aussi avec soi. C'est tout un univers qui m'équilibre », explique Vanessa Djia, créatrice et fondatrice de Rovodoa. Elle explique le nom de sa marque :

« Rovodoa est le nom d'un ancien bateau négrier qui transportait des esclaves pour travailler, pour la plupart, dans des champs de coton dans les Amériques. J'aime dire que je suis connectée aux vieilles âmes ou que je suis une vieille âme moi-même. J'ai eu comme une vision, une visitation. Cela m'a été insufflé et je suis allée taper sur internet et j'ai vu Rovodoa, j'ai lu l'histoire. Cela m'avait beaucoup interpellé. »

Vanessa Djia est née à Dakar. Elle grandit entre la Côte d'Ivoire et le Cameroun, avant de s'installer en France. Sa passion pour la mode est profondément enracinée dans son héritage culturel et son engagement envers l'artisanat africain. Elle a grandi dans un environnement où l'art et la culture étaient omniprésents. Son père, philanthrope engagé, accueillait de nombreux artistes à la maison. C'est cette ambiance qui a poussée Vanessa Djia à valoriser la culture africaine à travers le textile. Après des études en photographie et en école de commerce, cette créatrice cosmopolite crée sa marque Rovodoa, en 2015, en hommage à ses ancêtres. Passionnée par le textile africain, Vanessa Djia crée des pièces uniques aux associations inattendues qui allient tradition et modernité, en restant dans les codes de la mode :

« Cette année, par exemple, nous allons être sur des pantalons cigarettes, donc très près du corps. Forcément, nous sommes dans la tendance. Après, il faut ramener cette touche africaine à cette tendance mondiale parce que je ne vais pas nager à contre-courant non plus. Sur place, je vois les textiles, cela m'inspire. »

« Au début, je ne faisais que des tenues estivales, c'était beaucoup plus facile. Mais depuis deux ans, j'ai décidé de faire des manteaux. Cela a été très intéressant parce qu'il fallait trouver des textiles africains qui me permettent de les réaliser. Quand tu pars dans les pays africains, que tu parles de tes projets, il y a des gens qui sont férus justement de l'artisanat original de certains pays que tu ne connais pas toi et qui te prennent la main et qui te disent ''Si tu es disponible, dans mon village, il y a tel textile utilisé pour certaines cérémonies. Mais il est tellement rigide que je ne suis pas sûre qu'on puisse en faire un vêtement moderne. Mais toi, avec ta créativité, je pense que si je t'amène là-bas, je pense que tu peux créer la magie". »

Le processus de création de Vanessa Djia est instinctif, spirituel, guidé et inspiré par les énergies qu'elle capte lors de ses voyages. Sa démarche créative est intuitive et ludique : « Comme je travaille avec des tissus aux imprimés, c'est très saisonnier, donc, c'est important pour moi d'aller sur place pour créer. Après, ma clientèle est occidentale. J'essaie donc de ne pas aller dans tous les sens. C'est une petite conquête. Pour conquérir un territoire, il faut déjà épouser ses codes. Je reste sur des vêtements très classiques, des chemises, des pantalons. Mais j'aime les bonnes choses aussi et que je m'enquiers un peu de tout ce qui se passe sur la scène parisienne et cosmopolite internationale. Le petit plus, c'est la texture des textiles que je vais choisir. Cela va être aussi de choisir les bons artisans, parce qu'il faut des produits finis à mettre dans des boutiques avec de belles adresses. Mes créations sont en série limitée pour que chaque femme ou homme Rovodoa se sentent uniques. C'est une démarche artisanale, je produis un vêtement en dix exemplaires maximum. »

L'engagement pour l'artisanat et son souhait de valoriser les textiles africains sont au cœur du travail de Vanessa Djia. La designer collabore avec des artisans locaux, principalement au Cameroun et en Côte d'Ivoire. Elle explique : « Le seul atelier avec lequel j'ai commencé, c'est l'Atelier des femmes au Cameroun. Quand j'ai ouvert mon atelier personnel pour ce projet textile, j'ai eu l'idée de réunir six femmes. Au début, elles se connaissaient plus ou moins, et j'ai travaillé avec elles des petites robes d'été. L'intérêt pour elles, c'était qu'après, si elles avaient des projets personnels, elles puissent utiliser mes machines. C'est mon projet de cœur. Par contre, quand il a fallu commencer à travailler des pantalons à pinces, il fallait des maîtres tailleurs. Et ces maîtres tailleurs, il a fallu les chercher et les trouver. En Côte d'Ivoire, justement, j'ai commencé avec des polos, des shorts. Ça ne paraît rien, mais pour faire avec du tissu ''africain'', il faut savoir où passer. J'en ai parlé autour de moi et on m'a ramené chez un monsieur qui est un maître tailleur et qui forme aussi. Quand je viens avec des projets plus gros, lui forcément, il se charge de dispatcher mes commandes chez ses petits, comme on dit. Dès que j'ai besoin de lancer une collection, je peux compter sur eux. Et en général, c'est avec les mêmes hommes que je travaille sur Abidjan et les mêmes femmes au Cameroun. »

Également active dans l'évènementiel, Vanessa Djia organise des festivals pour soutenir les artistes africains et valoriser leur travail : « À force de prendre part à des festivals, je me rends compte qu'aujourd'hui, je suis obligée d'avoir plusieurs casquettes, comme auto-entrepreneur. Il faut savoir que toutes les activités que je monte, je les fais en fonds propres, donc je suis très économe. Le fait d'avoir fait une école de commerce aussi, cela me donne des outils chaque fois pour essayer d'aller plus loin. Les artistes africains, en général, sont dans l'informel, et donc moi, en ayant cette aptitude, aujourd'hui, je vois leurs limites, je connais leur potentiel et je me dis c'est peut-être mon sacerdoce ! J'y vais, mais je me rends compte que nous sommes nombreux à le faire. C'est comme cela, surtout nous les Camerounais, parce qu'on n'a pas forcément un État qui nous pousse, nous finance, qui comprend même là où on veut aller. Parce que nous, on veut juste vivre, exister dans cette mouvance. Et c'est vrai qu'on est des opportunistes, et quand l'opportunité se présente, on est obligé de la saisir, et c'est du freestyle. Et il y a une partie pieuse aussi. Je crois énormément en Dieu. Je me dis "c'est ma mission, il va m'aider". La preuve, cela se passe bien. »

Pour Vanessa Djia, la mode transmet les héritages culturels : « J'aime bien marier différents textiles. Comme je suis pour une culture métissée, par exemple, quand je vais utiliser un tissu traditionnel africain qui va être ultra rigide, je ne m'oblige pas à faire tout le vêtement qu'avec ce textile. C'est là que cela devient intéressant ! Voyager, voir la mode sur d'autres continents, cela donne des idées, des pistes. Je vais chercher des chutes de tissus ou des fins de rouleaux très onéreux de grandes maisons à incorporer à la création. C'est pour cela que je fais des pièces uniques qui sont très intéressantes. Parce que l'idée, c'est que la femme occidentale mette plus de couleurs, et si possible plus d'imprimés. C'est un challenge, et comme moi-même, je suis aussi mon ambassadrice, je prends le pouls. Dès que je commence à rentrer en production, je mets un vêtement pour aller à un événement. Et puis, quand tout de suite, tout le monde me demande "C'est de qui ? Tu l'as acheté où ?", là, je sais que c'est bon. »

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