Comment déceler (et contrecarrer) l'écoblanchiment?


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Feb 03 2025 2 mins   1

Lorsqu'un produit ou une entreprise se présente avec une image responsable et soucieuse de l’environnement alors que ça n'est pas le cas, que c'est simplement une façade écologique destinée à séduire les consommateurs, c'est du greenwashing ou écoblanchiment en français. Une pratique marketing largement répandue mais qui est de plus en plus souvent ciblée par la justice et les ONG environnementales.

Peut-être avez-vous déjà été séduit, voire rassuré, par un produit « Bon pour la planète ! », « Respectueux de l’environnement » ou même « Biodégradable », « Recyclé » ou « Naturel ». C’est bien normal, ces messages sont justement destinés à une population de plus en plus soucieuse de préserver la planète, pour les inciter à acheter. Près de trois Français sur quatre affirment en effet changer leur manière de consommer pour réduire leur impact environnemental, selon une étude de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes.

Un marketing trompeur qui freine la transition écologique

Et pourtant dans bien des cas, ce marketing est trompeur : c'est du greenwashing. Un problème qui va au-delà de l'arnaque au consommateur, car cela prouve que les entreprises ne font pas les avancées nécessaires, elles font juste semblant, c'est donc un frein plus global à la transition écologique.

Concrètement, le greenwashing peut être assez sournois comme lorsque la couleur verte est utilisée dans un logo. Notre cerveau pense alors que la marque est écolo. « C’est aussi le cas de cette publicité de voiture à hydrogène avec des éoliennes et des barrages hydroélectriques en fond, faisant penser que l'hydrogène est une énergie propre, alors que l'immense majorité de l'hydrogène est aujourd'hui produit à partir d'énergies fossiles », explique Axel Denis, auteur du livre « Alerte greenwashing » publié aux éditions Eyrolles. « Cela peut donc être une information totalement fausse ».

Des techniques de communication bien rodées

Cela peut aussi être une information floue, non étayée, quand un emballage est « fabriqué en matière recyclée » mais que la part de matière recyclée est en réalité très faible. Pour convaincre le consommateur, les marques n’hésitent pas également à s’attribuer des labels prétendument responsables. Il existe plus de 230 labels de ce type au sein de l’Union européenne. La Commission européenne pointe d’ailleurs du doigt « leur degré très variable de transparence ».

« Autre exemple, reprend Axel Denis, quand une célèbre entreprise de pétrole fait toute une publicité pour dire qu'elle est leader sur les énergies renouvelables alors que plus de 95 % de ses investissements vont dans les énergies fossiles polluantes ». Ici la stratégie consiste à attirer l’attention du consommateur sur une partie dérisoire de l’activité de l’entreprise en omettant de parler de l’impact réel et plus global de l’ensemble de ses activités.

En France la loi Climat et résilience de 2021 punit le greenwashing, qui est désormais considéré comme une pratique commerciale trompeuse.

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S’il peut être compliqué pour un simple particulier de porter plainte face à de puissantes multinationales, plusieurs ONG aux reins solides s’emparent de ce nouvel outil. « Des procédures sont en cours, notamment contre New Balance et Adidas pour des allégations concernant le pourcentage de matériaux recyclés dans leurs produits ». écrit Axel Denis. Coca-cola qui assurait « zéro déchet d'emballage » pendant les JO et qui versait simplement en coulisse ses boissons contenues dans des bouteilles en plastique dans des verres recyclables, est également visé. C’est aussi le cas de Total énergies, plus gros pollueur de France, et sa communication sur sa prétendue « neutralité carbone ».

Pour l'instant la justice n’a prononcé que très peu de décisions et les affaires suivent leur cours. En 2008 Monsanto a tout de même été condamné « pour pratiques commerciales trompeuses en raison des mentions environnementales présentes sur les étiquettes de son produit phare, le pesticide Roundup. L’amende délictuelle s’élevait seulement à 15 000 euros mais elle était accompagnée d’une publication de la décision dans les médias, ayant un impact sur l’image de marque de la société », écrivent les auteurs « d’Alerte greenwashing ». Le montant peut sembler dérisoire, mais pour Axel Denis « le risque pour les entreprises n’est pas forcément juridique, mais plutôt pour leur réputation. Les médias et les réseaux sociaux relaient ces informations, avec des actions derrière de boycott par exemple. C’est ce qui fait le plus peur aux entreprises : une image dégradée et derrière une baisse de chiffre d’affaire ».

Vers plus de transparence en Europe ?

L’année dernière, la compagnie aérienne KLM a été condamnée aux Pays-Bas car elle laissait entendre que les émissions de gaz à effet de serre de ses vols étaient compensées et vantait des carburants plus durables, alors que l’aérien reste le moyen de transport le plus polluant. Cette condamnation avait été largement reprise par la presse.

Le greenwashing reste toutefois une pratique largement répandue. La Commission européenne estimait dans une étude en 2020 que plus de la moitié des communications vertes des entreprises étaient « vagues, trompeuses ou infondées ». Au sein de l'UE une législation est en cours d’élaboration pour y voir plus clair dans la jungle des labels et du marketing écologique et exiger des entreprises plus de transparence et d’honnêteté.