À Nantes, la renaissance du Vishnou du Mébon, chef-d'œuvre de l'art khmer et trésor du Cambodge


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Feb 03 2025 2 mins   3

Le Vishnou du Mébon occidental, l’un des plus grands bronzes jamais retrouvés à Angkor en 1936, fait partie des collections du musée national du Cambodge. Cette statue du XIe siècle, de plus de 5 m à l’origine, représente le dieu hindou Vishnou, allongé sur l’océan de l’éternité. Arrivée en France en mai 2024 pour des études techniques et en novembre à Nantes au laboratoire Arc'antique en vue de sa restauration, cette pièce unique sera ensuite présentée au musée Guimet, à Paris, du 30 avril au 8 septembre.

Il est posé sur un chariot dans une salle du laboratoire Arc'antique, à Nantes, dans l'ouest de la France. Le grand Vishnou en impose par sa douceur. On le dirait sur un lit d'hôpital. Seul est exposé la partie supérieure de la statue, comprenant la tête, les deux bras droits et le haut du torse. Le tout dépassant tout de même les 2,20 m de long. À son chevet, Stéphane Lemoine paraît bien petit, tant ce bronze est monumental. Ce spécialiste des métaux participe à la restauration. Il faut d'abord nettoyer. Du ruban adhésif blanc délimite les petites zones carrées sur lesquelles il faut intervenir.

« On voit déjà qu'il y a un état d'encroûtement localisé sur les surfaces corrodées, qui retiennent donc du sédiment d'enfouissement et qui nuisent à la lisibilité globale des modelés de l'œuvre. On peut choisir de retirer plus ou moins ces encroûtements, notamment par des moyens mécaniques, afin de tenter de retrouver la surface qu’avait l'objet au moment de son abandon, au milieu du 15e siècle. Il faut imaginer qu'à l'époque, l'intégralité de la surface du Vishnou était dorée. Aujourd'hui, il est vert, parce que la fine dorure – qui était une dorure appliquée avec du mercure – a disparu très rapidement durant l'enfouissement. Il en reste des parcelles, mais il faut imaginer que cette statue, aujourd'hui verte, était à l'époque intégralement dorée », explique le restaurateur.

Entièrement doré donc, le Vishnou flamboyait. Mais ce n'était pas tout, il y avait de la polychromie sur les sourcils, les yeux, la moustache, les lèvres étaient rouges. Trésors du musée national du Cambodge à Phnom Penh, chef-d'œuvre inégalé de l'art khmer, ce Vishnou couché datant du 11e siècle captive Yannick Lintz, présidente du musée Guimet, à Paris, qui a fait le déplacement.

« Vishnou, en tant que personnalité, était évidemment une des grandes divinités du panthéon religieux du Cambodge et de toute l'Asie du Sud-Est, c'est-à-dire spirituellement et religieusement une divinité d'une très grande importance. Et puis, comme c'est le cas dans notre histoire de l'art, les grandes œuvres religieuses sont aussi de grandes œuvres d'art. Ce grand bronze monumental de ce Vishnou couché, qui résidait au milieu du temple que l'on appelle le temple du Mébon, à Angkor, c'est aussi symbolique que la Joconde du Louvre », s'enthousiasme-t-elle.

On quitte à regret ce Vishnou souriant et la sérénité qu'il dégage. Mais on pourra le retrouver lors d'une exposition exceptionnelle sur les bronzes khmers, qui se tiendra au musée Guimet en avril prochain.

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