«Mon fils avait peur des représailles»: quand le professeur harcèle l'élève


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Mar 09 2025 2 mins   8

C'est une première en France : une enseignante comparaît, lundi 10 et mardi 11 mars, devant le tribunal correctionnel pour avoir harcelé trois de ses élèves, dont Evaëlle, qui avait mis fin à ses jours à la fin de l'année scolaire en 2019. Quand on évoque le harcèlement scolaire, on pense d'abord au harcèlement entre élèves. Mais quand le harceleur est l'enseignant, c'est une difficulté supplémentaire pour les parents, d'autant que le harcèlement de professeur sur élève représente moins de 10% des cas. Témoignage de Stéphanie, dont le fils Mathis a été harcelé par un professeur de mathématiques.

Plusieurs signes ont alerté Stéphanie. À chaque fois que son fils Mathis rentrait d'une journée où il avait cours de mathématiques, il n'était pas comme les autres jours. Le jeune garçon si vivant d'habitude se refermait sur lui-même. « Je vois son comportement. Je vois sa tristesse dans le regard. Plus d'une fois, il a pleuré », se remémore la mère de famille.

Autre indice : le niveau scolaire du collégien en classe de 3ᵉ s'effondrait, alors qu'il avait toujours été un bon élève. Et ce n'était pas dû à un manque de travail. À force de questionner son fils, Stéphanie découvre que Mathis est harcelé par son professeur de mathématiques :

« Son professeur l'a tout le temps humilié, avec des mots, des comportements. "Tu n'es pas capable, ce n'est pas la peine de lever les mains, Mathis baisse la main'', ou il lui balançait des stylos sur la tête, ou il le mettait dans un coin au fond de la classe... »

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Des propos humiliants tenus par le professeur

L'enseignant rabaissait constamment le jeune élève, et toujours devant toute la classe. « Il lui faisait comprendre par toutes formes d'humiliations devant les autres élèves, en disant ''de toute façon, tu n'es pas capable, il faut que tu penses à aller chercher du travail". Mon fils n'avait que 13 ans », confie Stéphanie.

Comment Mathis l'a-t-il ressenti ? « Ça l'a beaucoup affecté. Ça l'a beaucoup attristé. À certains moments, il pensait réellement abandonner. Et suivre les conseils du prof », lâche-t-elle. Mathis perdait confiance en lui, mais il ne voulait pas que sa mère intervienne auprès de l'établissement : « Mathis a essayé de me dissuader. Il m'a dit ''Maman, n'y va pas, tu ne feras qu'empirer les problèmes''. Il avait peur des représailles du prof. D'ailleurs, il en a oui. »

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« J'ai beaucoup de chance que mon fils m'en ait parlé »

Et Stéphanie hésita à intervenir auprès du collège où était scolarisé son fils, à l'image de nombreux parents, comme l'explique Nora Tirane de l'association Marion la main tendue, qui lutte contre le harcèlement scolaire :

« Il y a la peur des parents, parce qu'ils nous disent, ''on a besoin d'aide'', et en même temps, ''j'ai peur que l'institution se retourne contre nous, que le professeur soit convoqué ou nous convoque en tant que parents et qu'il y ait des représailles vis-à-vis de notre enfant''... C'est encore un tabou, aujourd'hui en France. En fait, pour eux, c'est le sentiment de s'attaquer à l'institution. »

Nora Tirane avertit : si un professeur harcèle un élève, il montre l'exemple. Stéphanie, elle, apprend qu'une enseignante est jugée à partir de ce lundi 10 mars parce qu'elle a harcelé une petite fille de 11 ans. En juin 2019, la jeune Evaëlle a mis fin à ses jours. Une mort tragique qui interpelle la maman de Mathis :

« Je comprends ces enfants qui vivent dans le malheur total. La souffrance peut faire réagir peut-être à ce niveau-là. C'est pour ça que j'ai beaucoup de chance que mon fils m'en ait parlé. Parce que ça aurait pu aussi également mon fils. »

Sollicité, Mathis n'a pas souhaité s'exprimer sur le harcèlement qu'il a subi. Il a changé d'établissement scolaire et poursuit aujourd'hui ses études en internat.

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