MICKEY 17 X LE SYSTÈME VICTORIA


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Mar 04 2025 2 mins   2

On avait laissé Bong Joon-ho sur le triomphe mondial de Parasite avec une interrogation. Vers quoi aller ensuite ? Surtout quand le film "palmedorscarisé" ouvrait toutes les portes au réalisateur sud-coréen. Il a jeté son dévolu sur l'adaptation d'un livre de science-fiction américain au postulat existentiel autour d'un type lambda embarqué dans une mission spatiale où il devient cobaye de diverses expériences, son corps pouvant être cloné à volonté. Le bouquin s'intitulait Mickey 7. Bong Joon-ho l'a amplifié en Mickey 17 pour démultiplier en autant de versions et tribulations le personnage principal. C'est beaucoup trop. Surtout quand ce space opera en profite pour se ramifier en autant de pistes, démarrant comme une fable grinçante avant d'engouffrer farce satirique, suspense, et considérations écologiques. Quelque part, Mickey 17 tient d'une compilation du cinéaste, en empilant les mêmes préoccupations sociales ou morales que The Host, Snowpiercer, Okja et Parasite. Une sorte de best-of, enchaînant les morceaux de bravoure, mais finissant par tourner à vide à force d'excès, de bifurcations, mais surtout d'un trait trop épais qui biffe la trajectoire attachante de Mickey et ses doubles, pour mettre en avant un patron de la tech virant autocrate totalitaire et génocidaire. Dommage que ce rôle, sidérante fusion entre Trump et Elon Musk, perde de sa part d'avertissement prophétique en étant réduit à un caricatural méchant d'opérette. Mickey 17 avait le potentiel d'un immense film politique au vitriol, façon Starship Troopers, mais ne parvient malheureusement jamais à allumer la mèche de son cocktail molotov à force de diluer sa rogne inflammable. Il en reste quelques belles flammes, de l'interprétation parfaite de Robert Pattinson à une virtuosité formelle, mais on est loin de l'incendie espéré.

Dans Le Système Victoria, c'est Jeanne Balibar qui met le feu, en DRH de multinationale qui va embobiner le chef de chantier d'une tour dans ses atours de femme fatale. S'il est très terre à terre, Le Système Victoria n'est pas si éloigné de la planète lointaine de Mickey 17 dans une même dissection d'un ordre du monde contemporain vérolé par des mécanismes d'asservissement. Qu'il passe par ceux du thriller sexuel ne le rend que plus troublant, associant jeux de pouvoir et de séduction. Après De Grandes espérances, Sylvain Desclous se confirme comme un réalisateur d'envergure, liant observation lucide et cruelle des nouveaux rapports sociaux dans toute leur complexité – ici, on parle autant transfuge de classe, que d'emprise et prédation dans les rapports Homme/Femme – et ferveur romanesque effeuillant brillamment un récit d'apprentissage balzacien. Et si Damien Bonnard épate en proie poussée à toutes les compromissions, c'est bien Balibar qui emporte le morceau, exceptionnelle en incarnation vénéneuse du miroir aux alouettes d'un capitalisme aussi sauvage que dévorant.

Mickey 17 / Le Système Victoria. En salles le 5 mars.