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Dec 29 2024 4 mins  


Rue Saint-Séverin, à Paris, le 28 décembre 2024

Au milieu de l'abattement qu'on peut parfois ressentir au vu des agissements de nos semblables (le traitement des femmes par les Talibans, l'exploitation des détresses par les puissants, le pillage et la salissure du monde par la croissance de la consommation, etc.) et de la conscience (mauvaise mais finalement assumée) qu'on peut avoir de n'être pas étranger mais acteur de tout cela, une chose vient mettre de la lumière. Elle n'est pas toute seule (il y a aussi les sourires, la gentillesse, l'amour de celles et ceux qui osent aimer, la beauté que certaines et certains savent créer), mais elle est là, et bien visible en ces derniers jours de décembre puisqu'il suffit, pour en humer le baume réconfortant, de descendre dans la rue, je veux parler des pompons.

Je crois que des êtres (le plus souvent des femmes, au demeurant, ce qui vient une nouvelle fois justifier la préférence que j'ai pour elles), des êtres qui choisissent volontairement de s'affubler d'un tel accessoire ; de cette chose douce, mignonne mais évidemment ridicule, ne peuvent être totalement méchants. Et il y a en eux (en elles, surtout, donc) quelque chose, un sens de l'humour, une légèreté, une sorte d'humilité rieuse, qui vient rattraper, du moins en partie, la lourdeur et la vanité de tous ceux (et celles), moi le premier, qui se vautrent avec complaisance dans des poses de sage, de gourou méditant solitaire sur son rocher, de moine austère vêtu de noir, de sportif affrontant la jungle ou les sommets, de mannequin traversant la foule sans regard pour la piétaille.

Avec les pompons, ces petites boules de poils ou de laine s'agitant au sommet des bonnets, on a une sorte d'antidote à l'orgueil, à cette tentation que nous avons si souvent de nous prendre pour plus que nous sommes, de nous la jouer grave et responsable, nécessaire, important.

Ça n'est pas, évidemment, qu'il faille rire de tout, se réfugier dans le scepticisme ou renoncer à rendre le monde meilleur ; mais depuis des millénaires que les uns et les autres s'y essaient, la seule chose qui soit sûre est que les révolutions, les idéaux et les lendemains qui chantent déchantent à tout jamais de l'esprit de sérieux, de la volonté d'en imposer, de cette propension détestable à vouloir convaincre en instaurant des églises, des sectes, des grands inquisiteurs, des maîtres et des grandes prêtresses qui se la pètent et jouent les Manitous.

C'est pourquoi j'aime les femmes (et les hommes aussi, malgré tout) qui portent des bonnets à pompon, et qui ce faisant, loin de se voir et de se projeter en demi-déesses ou demi-dieux, en créatures altières, inspirantes et tout le tralala, assument leurs faiblesses, leurs imperfections, leurs petitesses, leur incarnation. Car c'est précisément dans cette acceptation de leur humanité et leur renoncement à faire l'ange qu'ils peuvent le devenir, quitter la bête et toucher au divin.

Comme toujours, la vérité est dans la vibration des choses.

Derrière ma lecture, Bayati, de Gurdjieff ; et un enregistrement du boulevard Saint-Michel, capté il y a quelques semaines.