Feb 12 2025 4 mins
Image générée par Midjourney 6.2
Qu'est-ce qui croît, qu'est-ce qui croît vraiment, dans la croissance et le progrès, dans cette façon que nous avons, depuis la nuit des temps, de produire toujours plus de nourriture, de biens, de richesses ? Tout bien considéré, il me semble que la seule chose qui croisse vraiment, au bout du compte, c'est l'humanité, je veux dire la population humaine, le nombre de femmes et d'hommes peuplant cette planète. Le reste, et notamment le progrès matériel et technologique, qui est réel et tangible, ne sert en fait qu'à cela : rendre possible la croissance de la population. On soigne mieux, on a plus de biens, on a plus de moyens ; peut-être même a-t-on plus de connaissances. Mais (est-il nécessaire d'en faire la démonstration ?) on n'est pas plus épanouis, pas plus rassurés, pas plus sages, pas plus heureux que toutes les femmes et tous les hommes qui nous ont précédés ; seulement plus nombreux, plus nombreux à vivre sur terre.
Je ne dis ni ne pense qu'avant c'était mieux. Pas du tout ! Mais ça n'était pas moins bien. Bien sûr il y eut des temps terribles : la peste, la famine, les enfants dans les mines, l'esclavage, les traites, les massacres, la shoah ; on n'en finirait pas de citer tous les malheurs des temps (et d'ailleurs, ça n'est pas fini). Mais la vie n'était pas faite seulement de cela ; et hier comme aujourd'hui, et à toutes les époques, les femmes et les hommes étaient plutôt heureux de vivre, de se sentir vivants.
La médecine a progressé. Elle a notamment appris, et c'est un progrès considérable, à réduire la douleur. Mais l'allongement de l'espérance de vie, qu'on lui doit aussi, est essentiellement un artefact statistique : on ne mourait pas plus à trente ans au Moyen-Âge qu'aujourd'hui.
Qu'on me comprenne bien : j'adore avoir l'eau courante au robinet, la lumière au bout de mon interrupteur, un appartement chauffé en hiver, un téléphone portable, les diverses lucarnes sur le monde que sont Internet, les chaînes de radio, la télévision ; mais je suis d'une génération qui a connu l'apparition et la généralisation du feu, de la charrue, du métier à tisser, de la machine à vapeur, de l'automobile, de l'informatique, du téléphone portable, d'internet ; de toutes ces inventions effectivement formidables dont on nous a dit hier, comme on dit aujourd'hui de l'intelligence artificielle, qu'elles allaient tout changer ; or le fait est que si elles ont effectivement tout changé dans notre vie, elles ne l'ont pas changée ; elles ont essentiellement permis d'adapter nos façons de vivre et travailler à un monde peuplé de huit milliards d'êtres humains, et de permettre, ce faisant, à ce monde d'exister. Nous ne pourrions pas être si nombreux, si dispersés partout sur la planète, si nous n'avions la division du travail, les villes, les transports et toutes les technologies.
"Et Dieu les bénit, et leur dit : Croissez, et multipliez, et remplissez la terre; et l'assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux des cieux, et sur toute bête qui se meut sur la terre."
A suivre...
En illustration sonore, un enregistrement réalisé il y a quelques semaines dans le hall de la gare Saint-Pancras, à Londres.
L'image d'illustration (légèrement modifiée pour la désaturer) a été générée par Midjourney 6.2 à partir de la consigne (prompt) suivante (dont on peut constater qu'elle a été assez peu respectée) : Une grande photo d'une famille de mineurs dans les années 1930 dans le nord de la France. Ils portent des vêtements du dimanche et regardent tous la caméra avec gravité ...