Croissez et multipliez5.La saturation des exutoires


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Feb 20 2025 4 mins  


Une décharge (c) AP Press et Parlement européen

La limite physique de la croissance n'est pas, comme on l'entend souvent, le manque de ressources mais la croissance plus rapide encore des externalités négatives, la saturation et le débordement de ce que le rapport Meadows appelle les exutoires. Cette contrainte ne concerne d'ailleurs pas seulement la croissance mais tout prélèvement supplémentaire opéré sur les matières premières non renouvelables natives - je peux dire qui ne soient pas issues d'un processus de recyclage.

La terre est finie mais elle est tellement grande comparée aux êtres humains que l'épuisement total de ses ressources pourrait n'être que très lointain. En revanche, l'accessibilité des ressources est, sauf exception, décroissante (les gisements les plus riches et les plus faciles ont déjà été explorés et utilisés) et les ressources réellement accessibles sont donc beaucoup plus limitées. Surtout, leur exploitation exige elle-même de telles ressources, génère de telles quantités de déchets et entraîne une telle pollution qu'elle est en fait impossible, sauf pour ce qui serait jugé absolument indispensable.

Les exutoires, ces lieux et milieux où l'on a pris l'habitude de déverser les déchets, scories, eaux usées, émanations, gaz et liquides toxiques, tous les produits inutilisés résultant du processus de fabrication des biens ; les exutoires sont saturés : ils ne peuvent plus absorber, assimiler, recycler tout ce qu'on y rejette, la composition de ces rejets les rendant d'ailleurs de moins en moins assimilables. C'est pourquoi la pollution des mers et océans croît, comme le pourcentage des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, comme la part des terrains agricoles empoisonnés ou rendus incultes par une utilisation déraisonnable d'engrais et autres produits phytosanitaires ; c'est pourquoi l'air des villes, même s'il tend à s'améliorer ici, devient souvent irrespirable ; c'est pourquoi s'étalent et se multiplient, notamment dans les pays les plus pauvres, les grands champs d'ordures et d'immondices, ces grandes décharges dont le contenu s'écoule dans les rivières quand il n'est pas picoré par les mouettes rieuses et les goélands criards. Et c’est pourquoi on retrouve du plastique du fond de l'océan jusqu'au sommet du Mont Everest et dans les estomacs de tous les êtres habitant la planète.

La Révolution industrielle avait séparé le sale du propre, créé les égouts et les poubelles ; nous en revenons : dans le grand débordement des exutoires, tout devient égout, tout devient poubelle.

La vraie limite physique, ce n'est pas l'absence de ressources, c'est la contradiction croissante entre l'exploitation de ces ressources et la vie : la vie des baleines, des orang-outans, des bisons, des abeilles ; la vie des éléphants et des ours polaires ; la vie des scarabées et des papillons ; la vie des femmes et des hommes dont une part croissante boit et respire de l'air et de l'eau qui, lentement, empoisonnent

À suivre...

Derrière ma lecture, Breathing, de Kate Bush, qu'elle composa en imaginant une vie enserrée dans une bulle pour échapper aux retombées radioactives d'un conflit nucléaire, mais qui se prête à toutes les pollutions diffuses.

Croissez et multipliez