Un autre regard : La politique du parti communiste allemand face à la montée nazie


Episode Artwork
1.0x
0% played 00:00 00:00
Oct 25 2024 5 mins  
Des poings symbolisant le combat du PCA contre les socialistes

En 1931, alors que les nazis n’ont pas encore fait leur percée électorale, Léon Trotsky, exilé par Staline en Turquie écrit une lettre qui se veut adressée « à un ouvrier communiste allemand », elle décrit lucidement la situation :



« L’Allemagne vit aujourd’hui une de ses plus grandes heures historiques; le destin du peuple allemand, le destin de l’Europe et, dans une large mesure, le destin de toute l’humanité pour les décennies à venir en dépendent…. Maintenant, il faut se retourner contre le fascisme en formant un seul front. Et ce front de lutte directe contre le fascisme, commun à tout le prolétariat, il faut l’utiliser pour une attaque de flanc, mais d’autant plus efficace contre la social-démocratie…Marcher séparément, frapper ensemble ! Se mettre d’accord uniquement sur la manière de frapper, sur qui et quand frapper ! On peut se mettre d’accord sur ce point avec le diable, sa grand-mère … » Sans se lier les mains, il faut mettre au point un ensemble pratique de mesures dans le but de lutter effectivement contre le fascisme.



C’est une critique frontale de la politique dite du social-fascisme décidée par le congrès de l’internationale communiste en 1928 sous l’impulsion de Staline.



Elle estime que le nazisme n’est pas l’ennemi principal, n’est pas un danger immédiat car la révolution est imminente. La social-démocratie, les socialistes, est une variante du fascisme, car elle font obstacle à la révolution socialiste : il ne faut donc rien faire avec eux, même si on peut travailler à la base avec les ouvriers socialistes.



Ces partis organisent des millions de travailleurs/euses. Les socialistes regroupent plus de deux millions d’adhérent.es, parti, syndicats, associations, le parti communiste aura jusqu’à 500.000 membres. Les deux ont des groupes d’autodéfense.



L’aspiration à l’unité est forte à la base. Il y a des exemples de défense commune contre les attaques nazis, mais la direction socialiste interdit toute négociation avec les communistes ; et quand un socialiste propose des actions communes, les communistes répondent de ne pas y donner le moindre crédit.



En novembre 1932, pendant la campagne électorale, les communistes engagent une grève dans les tramways berlinois, s’opposant au syndicat et aux socialistes, soutenus par les nazis. La répression policière est brutale : 1000 arrestations, 100 blessés, 10 morts, 2500 employés licenciés.



Lorsque le 30 janvier 1933, Hitler est nommé Chancelier, les communistes lancent un appel à la grève générale, avec peu de chances de réussite, compte tenu de sa faible présence dans les usines.



Dès l’après midi et la soirée du 30 janvier, dans les grandes villes se produisent de puissantes manifestations ouvrières spontanées. Les délégués des entreprises, les responsables locaux socialistes et syndicaux viennent à Berlin pour prendre les consignes de lutte. Les directions du syndicat, du Front de défense, se préparent « dans l’attente du signal de combat ». Les ouvriers sont « avisés de se tenir prêts pour un appel à la grève générale ».



Mais la direction socialiste réunie dans la nuit du 30 janvier refuse le combat, au motif que ce gouvernement est constitutionnel, et il donc devra être combattu comme tel.



Malgré la terreur nazie, une série de villes allemandes connaissent les plus grandes mobilisations ouvrières de leur histoire, plus grandes même que pendant la Révolution de 1918-1919.



Après un immense rassemblement socialiste à Berlin le 7 février 1933, sous le gouvernement de Hitler, se déroule une manifestation illégale, spontanée, dans laquelle marchent ensemble ouvriers socialistes et communistes, qui crient aux oreilles des nazis enfermés dans leur local et gardés par quatre schupos : « A mort Hitler…. », « A bas le gouvernement fasciste… ».



Si le combat avait été déclenché à ce moment la victoire n’était pas certaine, …mais pas impossible, car les forces des syndicats, des partis ouvriers étaient intactes.



Comme elles sont restées divisées jusqu’au bout, les organisations ouvrières de gauche ont été impuissantes face à l’arrivée au pouvoir d’Hitler, et face aux arrestations, sans aucune préparation à la clandestinité, elles ont été démantelées en quelques semaines.



.