Stefano Sannino : "On vit des permacrises, des crises quasi-permanentes"


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Nov 22 2024 17 mins   2 1 0

Cette semaine, nous recevons Stefano Sannino, secrétaire général du Service européen d’Action extérieure – qui dirige les ambassadeurs de l’Union européenne (UE) à travers le monde –, et ancien diplomate italien. Guerre en Ukraine, conflit au Proche-Orient ou élection de Donald Trump, il commente les multiples crises auxquelles l’UE doit faire face.

Face à la multiplication des crises et des conflits dans le monde, l’Union européenne se trouve dans une période d’incertitude. Selon Stefano Sannino, la situation est inédite : "Nous sommes dans une situation dans laquelle nous vivons des crises presque permanentes. Nous parlons de permacrises. Nous passons d’une crise à l’autre."

Le conflit en Ukraine est au cœur des préoccupations des Vingt-Sept. "Il y a une volonté de continuer à soutenir l'Ukraine", affirme le secrétaire général du Service européen d’Action extérieure. "Le soutien à l'Ukraine, ce n'est pas seulement un soutien à ce pays, c'est aussi une ligne de défense pour l'UE en tant que telle", ajoute-t-il. Le diplomate reconnaît la situation critique dans laquelle se trouvent les Ukrainiens qui s'apprêtent à vivre leur troisième hiver de guerre. "Les armements commencent à être moins présents. Il y a un déséquilibre très fort entre les capacités militaires de la Russie et les capacités militaires de l'Ukraine", dit-il.

À la suite de la décision des États-Unis d’autoriser l’Ukraine à utiliser les armes longue portée contre la Russie, Stefano Sannino explique : "La décision de [Joe] Biden est une réponse à celle de Vladimir Poutine d’envoyer des soldats nord-coréens sur le front ukrainien. L'escalade militaire a commencé à Moscou", martèle-t-il. "Maintenant, les Ukrainiens peuvent aussi attaquer. Il y a une volonté encore très forte de leur part de défendre leur territoire", estime-t-il. Cette décision des États-Unis a entraîné une riposte de Vladimir Poutine qui menace à nouveau d’avoir recours à l’arme nucléaire. À ce sujet, Stefano Sannino appelle à la prudence : "Nous ne pouvons pas sous-estimer ces risques dans le contexte d'une guerre".

L’embrasement du conflit au Proche-Orient est un autre défi pour l’Union européenne qui tente de peser dans l’établissement d’un processus de paix. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, appelle à la suspension du dialogue politique entre l'UE et Israël. Proposition à laquelle s’opposent plusieurs pays tels que la République Tchèque. "Ce n’est pas facile de trouver un terrain d’entente entre les Vingt-Sept", admet Stefano Sannino. S’il y a un point sur lequel s’accordent les pays membres, c’est la mise en place urgente d’un cessez-le-feu. "Tout le monde est d'accord pour cela. La souffrance du peuple palestinien est terrible et tous nos efforts doivent aller dans cette direction. Il faudra aussi faire tous les efforts possibles pour libérer les otages", ajoute Stefano Sannino.

En ce qui concerne l’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur, que des pays comme la France ou la Pologne refusent de signer, Stefano Sannino "espère que l’on va trouver un accord : cela pourrait également nous donner un coup de pouce politique dans nos relations avec ces pays", commente-t-il.

Autre défi pour l’UE : l’élection de Donald Trump. Le diplomate rappelle que les États-Unis sont "peut-être le partenaire le plus important de l'Union européenne". Face à l’attitude très isolationniste du futur président américain qui souhaite imposer des droits de douane supplémentaires à l’UE, Stefano Sannino estime que "Donald Trump est un négociateur qui comprend ce que représente un deal". S’il reconnaît que chaque État membre à ses propres relations bilatérales avec les États-Unis, "il faut parler ensemble et avec une voix unique car cela nous donne beaucoup plus de force dans la négociation".

Au sujet des relations avec l’Afrique, continent où l’influence de l’UE diminue au profit de celle de la Russie ou de la Chine, le patron des ambassadeurs européens veut voir en l'Afrique "une grande opportunité et pas seulement un défi, un problème". "La question est comment faire en sorte que l'Afrique puisse avoir un poids beaucoup plus grand dans sa capacité de décision, dans la résolution de ses propres crises et à travailler avec l'UE de manière plus utile pour les deux parties. Il faut être sur un pied d'égalité avec l'Afrique, voir quels sont leurs intérêts et quels sont nos intérêts", conclut-il.

Émission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero et Luke Brown