Bernard Quintin : "trop tôt pour une mission de paix au sol en Ukraine, car il n’y a pas de paix !"


Episode Artwork
1.0x
0% played 00:00 00:00
Dec 20 2024 17 mins   3

Le dernier Conseil européen de la présidence hongroise, le 19 décembre, a porté sur la place de l’Europe dans le monde. Le ministre des Affaires étrangères de Belgique, Bernard Quintin, issu du parti Mouvement Réformateur, qui est libéral (Renew), estime que les Vingt-Sept sont unis dans leur soutien à l’Ukraine, où ils veulent peser ; discutent de leur future relation avec les États-Unis sans envisager une guerre commerciale ; et observent l’évolution de la Syrie.

Sur le dossier syrien, les Vingt-Sept ont réaffirmé les conditions d'une reprise de leurs relations avec Damas, à savoir une Syrie plurielle respectant les minorités, y compris le droit des femmes : "Il faut d'abord se réjouir de la fin d'un régime dictatorial exécrable et criminel vis-à-vis de sa propre population. C'est un pays relativement morcelé, et nous appelons les nouvelles autorités syriennes à respecter l'intégrité et la souveraineté du pays, donc à respecter les droits fondamentaux !"

Mais l’interdiction des bases militaires russes ne doit pas conditionner le dialogue : "Il ne faut pas qu'on multiplie les conditions préalables", juge le diplomate, en concédant : "Quand on voit le rôle extrêmement négatif que la Russie a pu jouer avec un soutien inconditionnel à un régime criminel, on peut en tirer des conclusions : ces bases servent d'acheminement et même d'entraînement pour un certain nombre de milices russes qui sont envoyées sur des théâtres en Afrique."

Le gouvernement belge a gelé les demandes d'asile syriennes, dont 35 000 Syriens ont bénéficié depuis dix ans. C'est une "suspension de l'examen des dossiers en cours, car il y a quand même un changement fondamental sur le terrain", justifie-t-il. "Mais le retour des réfugiés répond à trois principes. Il faut qu'ils soient volontaires, sûrs, et dignes."

"Respecter la volonté des Ukrainiens"

Lors du dernier sommet hongroise de la présidence rotative, le premier du nouveau président du Conseil Antonio Costa et de la nouvelle cheffe de la diplomatie Kaja Kallas, les Européens ont réaffirmé leur soutien à l’Ukraine : "Rien à propos de l'Ukraine ne peut être décidé sans les Ukrainiens", prévient le Ministre belge. "Il faut quand même fondamentalement respecter la volonté des Ukrainiens… Est-ce que demain il y aura des négociations entre les Américains ou sous l'égide des Américains, entre le président Zelensky et le président Trump ou entre les Ukrainiens et les Russes ? Nous le verrons. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est que nous resterons toujours, nous les voisins de l'Ukraine."

Fait rare, le président français ne participait pas au sommet européen, mais a rencontré Volodymyr Zelensky en amont pour discuter de l'envoi de troupes sur le sol ukrainien pour garantir un éventuel cessez-le-feu : "Si on parle d'une mission de maintien de la paix, c'est trop tôt pour l'évoquer, tout simplement parce qu'il n'y a pas la paix", estime le chef de la diplomatie européenne, tout en se félicitant de la capacité des Vingt-Sept à discuter de tout sans tabou.

Le piège de l'"isolationnisme"

Quand Donald Trump menace les Européens de droits de douane intempestifs, en particulier s'ils n'achètent pas assez de gaz naturel ou de pétrole aux États-Unis, Bernard Quintin s’inquiète que "10 % de droits de douane plus élevés représentent 1 % du PIB européen. Le piège serait de tomber dans une forme de guerre d'isolationnisme ou de droits de douane. Nous devons nous préparer, comme je le disais, nous devons diversifier aussi nos partenariats, comme par l’accord avec le Mercosur", avance-t-il, même s’il va regarder de près cet accord et ses clauses de sauvegarde sur l’agriculture, sous pression du monde rural belge.

Dans une Belgique qui n’a pas formé de coalition gouvernementale depuis les élections de juin, le chef de la diplomatie se veut rassurant : les Belges parviennent à gouverner "non seulement avec différents partis, mais même dans différentes langues. Je le dis pour rassurer mes amis français, c'est faisable. Pour ceux qui connaissent la Belgique, avec ou sans coalitions formées, il y fait quand même bon vivre."

Une émission préparée par Agnès Le Cossec, Perrine Desplats, Luke Brown et Oihana Almandoz