Dec 30 2024 41 mins 2
Raphaël Pitti est un médecin urgentiste français spécialiste des zones de guerre. Il a commencé sa carrière comme médecin militaire avant de choisir de revenir à la vie civile pour pouvoir choisir ses terrains d’intervention humanitaires. Durant sa carrière, il a connu plusieurs zones de guerre, mais a été particulièrement touché par le sort des Syriens et des Gazaouis. Il s'est confié à France 24, au micro de Aziza Nait Sibaha.
Qu’est-ce qu’un médecin de guerre ? Pour Raphaël Pitti, la médecine de guerre est plus qu’une spécialité : c’est une mission qui exige des compétences médicales adaptées à des contextes chaotiques et une grande résilience mentale.
Dans son livre "Va où l'humanité te porte. Un médecin dans la guerre" (Tallandier, 2018), Raphaël Pitti retrace sa longue expérience en zones de conflit et ce qu’il appelle "son combat pour la dignité humaine".
Le parcours de ce médecin humanitaire français l’a effectivement conduit dans différentes zones de conflits comme le Liban, le Tchad, ou l’Irak durant la première guerre du Golfe. Il considère cette dernière expérience comme à ce point marquante qu'il dit qu'elle a transformé sa vision de la vie. "Guidé par une foi inébranlable en la dignité humaine, j’ai maintenu mon engagement, même dans les moments les plus difficiles", explique-t-il.
Né en 1950 à Oran, en Algérie, Raphaël Pitti a lui-même connu l’exil lorsque sa famille a émigré en France en 1962. Cette expérience personnelle a forgé sa sensibilité particulière à la cause des réfugiés. Lors de l’entretien, il est revenu sur sa décision de refuser la Légion d'honneur en 2017, expliquant qu’il avait initialement soutenu Emmanuel Macron en 2016, mais qu’il s’était ensuite éloigné, affirmant : "Nous n’avons pas, lui et moi, le même sens de l’honneur."
L'affaire de l’Aquarius a marqué sa rupture avec le président qu’il avait soutenu lors de son élection. Ce navire, affrété par l'association SOS Méditerranée pour secourir des migrants en mer, a été la source d’une crise diplomatique en Europe. Pour Raphaël Pitti, "la réponse de la France n'était pas à la hauteur". Pour lui, chaque individu a le droit de rêver d’un avenir meilleur et les politiques migratoires doivent respecter cette aspiration universelle.
En Syrie, une tragédie humaine ignorée
En dehors de la France, Raphaël Pitti est intervenu dans plusieurs zones de conflit, notamment en Syrie. Depuis 2012, le médecin humanitaire y a effectué 35 missions, et il a formé plusieurs équipes médicales locales à l’application de protocoles d’urgence pour soigner les blessés dans des conditions de guerre.
Selon lui, la Syrie est le théâtre d’une tragédie sans précédent, marquée par plus de 500 000 morts, 12 millions de déplacés, et l’utilisation d’armes interdites par les conventions internationales. Et pourtant "l’Occident n’a pas compris l’ampleur de ce qui se passait et a détourné le regard", dit-il.
À Gaza, une population privée de sa dignité
Depuis fin 2023, c’est la bande de Gaza qui est devenue la destination de Raphaël Pitti. Il s'y installe durant deux semaines en février 2024 pour intervenir à l'hôpital européen de Khan Younès.
Raphaël Pitti décrit une situation humanitaire catastrophique : "Il y a une volonté de déshumaniser la population de Gaza", selon le médecin français. "On a réussi à condamner Poutine, mais pas Israël. Nous n’avons pas réussi à imposer un cessez-le-feu en Palestine. Netanyahu est un criminel de guerre, et l’extrême droite en Israël ne respecte rien, même pas l’ONU", s’indigne-t-il. Il appelle à une mobilisation internationale pour restaurer le respect des droits fondamentaux, car selon lui "l’humanité tout entière est en danger face à de telles tragédies".
À lire aussiRecord d'humanitaires tués : "L'impunité est au cœur de la problématique"