Hadja Lahbib : “À Gaza, rien ne peut remplacer l'UNRWA”


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Jan 17 2025 17 mins   2

Aide humanitaire apportée à l’Ukraine et à Gaza, protection des droits des femmes en Syrie et en Afghanistan ou lutte contre les discriminations au sein de l’UE, la commissaire européenne Hadja Lahbib détaille les missions de son vaste portefeuille.

La commissaire Hadja Lahbib, en charge de l’aide de l’Union européenne (UE) apportée à travers le monde, a récemment visité l’Ukraine où elle a annoncé l'attribution d'une aide humanitaire de 140 millions d'euros.

Alors que les Ukrainiens vivent un troisième hiver en pleine guerre, la commissaire confirme que “la situation est très grave”. “La Russie est en violation totale du droit international humanitaire”, dénonce-t-elle. “Les enfants, les femmes et les personnes handicapées sont les premières victimes. Ils sont parfois déplacés à des kilomètres de chez eux, sans électricité, sans eau, sans abri. Tout est détruit.”

Le froid est un élément critique pour la population alors que des infrastructures énergétiques ont été détruites par des attaques russes. L’aide de l’UE consiste notamment en la réaffectation d’écoles, la mise en place de cliniques ambulantes ou la distribution de bois de chauffage. “Une grande partie de notre aide humanitaire consiste à répondre aux besoins de première nécessité”, explique Hadja Lahbib.

Elle évoque également l’impact de cette guerre sur les États membres : “Cette guerre ne s'arrête pas à l'Ukraine. Nous subissons déjà toutes les conséquences en termes de cyberattaque, de désinformation, de câbles cassés dans la mer Baltique ou de manque d'approvisionnement énergétique”, explique Hadja Lahbib. À l’opinion publique qui pourrait ne pas se sentir concernée par ce conflit, elle répond : “Si l'Ukraine ne gagne pas cette guerre, elle ne s'arrêtera pas à ses frontières, nous risquons alors d'être physiquement en danger aussi.”

La situation humanitaire reste tragique au Proche-Orient

Au Proche-Orient, la trêve tant attendue redonne de l’espoir aux populations mais la situation humanitaire reste tragique. “Gaza est démolie à plus de 80 % et les derniers hôpitaux en état de fonctionner ont été sévèrement touchés”, rappelle la commissaire européenne à la gestion de crise.

L'accès de l'aide humanitaire à Gaza est extrêmement limité et contrôlé par Israël.

Alors que le Parlement israélien a adopté deux projets de loi interdisant les activités de l’Agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens (UNRWA) dans la bande de Gaza, Hadja Lahbib estime que “leurs services prodigués au niveau éducatif, psychosocial, médical ou sanitaire sont énormes”. “Rien ne peut remplacer l’UNRWA”, ajoute-t-elle.

À propos de ce conflit, elle estime que “nous sommes en pleine violation du droit international humanitaire qui demande de ne pas prendre les populations civiles en otage et de ne pas viser les infrastructures”.

"Nous attendons aujourd'hui une Syrie inclusive"

En Syrie, l’UE pourrait assouplir ses sanctions vis-à-vis du pays si les nouvelles autorités, composées de la formation radicale islamiste HTC, proposent une politique notamment respectueuse de la diversité des cultes et de la liberté des femmes. “Nous attendons aujourd'hui une Syrie inclusive. Une Syrie qui permet à tous les Syriens d'exister avec leurs différences”, rappelle Hadja Lahbib.

À la question de si l’aide humanitaire fournie par l’UE pourrait être remise en question en cas de non-respect de ces conditions, elle explique que cette aide “n'est pas politique mais impartiale, neutre et inconditionnelle”.

“L'aide humanitaire apportée par l’UE n’a jamais quitté la Syrie”, affirme la commissaire européenne. Elle rappelle cependant que “les autorités seront jugées sur leurs actes dans les prochaines semaines”.

150 millions d'euros d'aide d'urgence pour l’Afghanistan

Les Vingt-Sept ont également débloqué 150 millions d'euros d'aide d'urgence pour l’Afghanistan, un pays où 16 millions d'Afghans sur 38 millions nécessitent une assistance. Certains pays, dont la France, s'opposent à une forme d'aide au développement en faveur de Kaboul à cause de la régression critique des droits des femmes. Si elle comprend ces réticences, la commissaire européenne estime que ce que demandent les femmes afghanes est le plus important : “Ce qu'elles nous demandent, c'est de rester parce qu'elles ont besoin de notre aide. Nous resterons tant que nous pouvons travailler et faire parvenir notre soutien humanitaire à toutes les femmes.”

Au sein même de l’Union, les pays peuvent bénéficier d’un mécanisme de protection civile en cas de crise humanitaire. “Ce n’est pas parce qu'on est un pays riche que nous savons faire face à une catastrophe aussi vaste qu'un cyclone ou une pandémie. Nous ne pouvons pas faire face à des catastrophes de telle ampleur seul dans son coin”, rappelle la commissaire à la gestion de crise. Elle explique qu’après le passage du cyclone dévastateur à Mayotte, “la contribution de plusieurs États membres a permis d’obtenir plus d'abris pour les personnes qui ont perdu leur logement”.

“Régression" de la protection des droits des femmes dans l’UE

Hadja Lahbib est également chargée de l’égalité entre les citoyens européens et notamment entre les hommes et les femmes. Une égalité qui semble progresser trop lentement, notamment au sein de la nouvelle Commission européenne, moins paritaire que la précédente. “Le Parlement est aussi moins féminin que le précédent, donc c'est un mouvement général”, ajoute la commissaire. “Nous devons être vigilants. Je suis très heureuse d'avoir ce portefeuille qui est construit autour de valeurs de diversité, d'inclusivité et de principes de solidarité et d'humanité”, note Hadja Lahbib.

Poursuivant sur le sujet de la protection des droits des femmes dans l’UE, Hadja Lahbib affirme que nous faisons face à “une régression”. D’un point de vue économique, elle se demande : “Comment assurer la compétitivité de l'UE si nous gardons cette chape qui maintient les femmes dans des métiers mal payés ?”

En termes de santé mentale, elle explique que les femmes et les minorités sont “les premières victimes du cyberharcèlement”. “Nous avons pris des directives pour obliger les plateformes à repérer quand il y a du cyberharcèlement, de la désinformation massive ou quand l'intelligence artificielle est utilisée aussi pour nuire”, détaille la commissaire européenne. “Cela va être mon pari dans les deux ans à venir : avoir un contrôle de toute cette nuisance”, conclut-elle.

Emission préparée par Isabelle Romero, Oihana Almandoz, Luke Brown et Perrine Desplats