Cette semaine, nous recevons Teresa Ribera, vice-présidente exécutive de la Commission européenne en charge de mener une transition propre, juste et compétitive. L’ancienne ministre socialiste espagnole présente les initiatives à mener par la Commission afin de relancer la compétitivité de l’UE sans pour autant compromettre la protection de l’environnement et des citoyens européens.
Le 29 janvier dernier, la Commission européenne a présenté son plan pour relancer la compétitivité de l’Union européenne (UE), en déclin face aux États-Unis et à la Chine.
Cette "boussole pour la compétitivité", prévoit notamment un "choc de simplification" pour les entreprises, c’est-à-dire l’allègement des contraintes administratives à leur égard.
L’UE prévoit également la mise en place de mesures de soutien à court terme pour l'automobile et l'industrie propre.
Teresa Ribera souhaite accroître l’influence de l'industrie européenne sur les marchés internationaux. "Il faut agir pour avoir une compétitivité qui dure mais qui est aussi capable de donner des réponses à court terme. Il faut s’assurer que l’Europe continue d’innover et de créer des emplois de qualité pour les Européens", précise la vice-présidente exécutive de la Commission européenne en charge de mener une transition propre, juste et compétitive.
Ces mesures de simplification administrative, en discussion depuis plusieurs années, peinent à être appliquées. Si Teresa Ribera reconnaît une difficile mise en place de cette simplification, elle la pense nécessaire : "Il faut achever une simplification qui donne le sens, la direction qu'on veut maintenir et en même temps qui soit capable de faciliter la vie aux entrepreneurs et en particulier aux plus petits d’entre eux."
Une simplification synonyme de dérégulation ?
Les écologistes et ONG s'inquiètent du fait qu'une simplification pourrait être synonyme de dérégulation.
Elle pourrait aller à l’encontre du Pacte vert, un ensemble d’initiatives dont l’objectif principal est de faire de l’Europe le premier continent à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
"Nous ne voulons pas sacrifier le Pacte vert", affirme la première vice-présidente de la Commission. "Les motivations qui nous ont poussés à rendre l’économie, la prospérité et le développement beaucoup plus durables restent encore fortes", explique-t-elle.
"Il faut accélérer cette transition mais en même temps, c'est un exercice d'apprentissage. Comment apprenons-nous à mieux investir l'argent ?", questionne la vice-présidente de la Commission.
Au sein des Vingt-Sept, des voix s'élèvent pourtant contre le Pacte vert. Comme celle du Premier ministre polonais Donald Tusk dont le pays est très dépendant du charbon, à l’origine de 63 % de sa production d’électricité.
Si Teresa Ribera admet des "malentendus dans la discussion politique" entre les États membres, elle confirme l’intention de la Commission de décarboner l’industrie. "L'énergie propre offre des prix beaucoup plus bas et prévisibles que l'énergie qui dépend des énergies fossiles. Elle est meilleure pour la santé des citoyens et nous offre plus d’autonomie."
La commissaire rappelle la nécessité d’une "transition juste" et le besoin de "faire des compromis" : "Nous devons nous assurer que dans la transition, il n'y ait pas d’impacts négatifs sur les citoyens ou sur les consommateurs industriels", détaille-t-elle.
Le danger du climatoscepticisme
Au chapitre de la protection de l’environnement, le climatoscepticisme, prôné par Donald Trump outre-Atlantique, semble également gagner du terrain en Europe : "C'est un danger. Certains veulent oublier que le réchauffement existe. Le réchauffement climatique a des conséquences terribles. Il a des conséquences humaines et économiques catastrophiques."
D’un point de vue économique, elle mentionne les inquiétudes des assureurs face aux coûts engendrés par les catastrophes naturelles. "Il faut le combattre en réduisant notre CO2 mais aussi en préparant notre résilience".
L’ancienne ministre du gouvernement de Pedro Sánchez se défend contre les polémiques sur la gestion des terribles inondations qui ont frappé l'Espagne en octobre 2024. Elle recommande la lucidité et la précaution excessive : "Le développement des systèmes d'alarme, la capacité de connecter les gens entre eux, d'apprendre ce qu'il faut faire dans ces situations. La réalité est là. Il faut se préparer pour éviter les conséquences les plus dures. Des rapports montrent que le changement climatique pourrait mener à une situation où une bonne partie des Européens pourraient mourir à la fin de ce siècle si jamais on ne réagit pas", explique-t-elle.
Créer des géants européens
Afin de relancer l’économie de l’Union, la Commission européenne va également publier en 2026 de nouvelles lignes directrices pour l'évaluation des fusions-acquisitions des entreprises offrant ainsi la possibilité de créer des géants européens capables de rivaliser avec les États-Unis et la Chine.
"Il faut continuer à développer le marché européen unique. Mais si le marché de référence n’est pas uniquement le marché européen mais le marché global, il y a de la place pour faciliter un rôle aux champions européens", estime Teresa Ribera. Inversement, sur le plus petit marché intérieur européen, il faut se prémunir contre les monopoles "qui pourraient avoir un impact négatif sur les consommateurs". "Nous devons rester un marché ouvert et en même temps assurer que les industriels européens qui respectent les droits des travailleurs, les standards environnementaux et la santé publique ne soient pas désavantagés."
Au sujet de l’hospitalisation d’Ursula von der Leyen début 2025, qui avait provoquée des critiques pour manque de transparence, Teresa Ribera, qui l’avait remplacée, tente de normaliser la situation : "Je pense qu'Ursula von der Leyen était convaincue qu'elle pourrait récupérer plus tôt. Mais c'était le début de son mandat et on attendait peut-être une réaction forte aux affaires du monde," concède-t-elle.
Emission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats, Luke Brown et Oihana Almandoz