Comment stopper l'avancée du désert au Sahel ? C'est le combat du musicien sénégalais Baaba Maal, également ambassadeur de bonne volonté de l'ONU. Il participe à ce titre à la COP16 contre la désertification, qui se tient en Arabie saoudite jusqu'à vendredi prochain. L'enjeu est considérable. D'ici 2030, il faut restaurer dans le monde un milliard et demi d'hectares de terres dégradées. Et pour l'artiste sénégalais, il y a des innovations dans le désert saoudien qui pourraient bien être dupliquées au Sahel. En ligne de Riyad, la capitale saoudienne, le célèbre musicien répond à RFI.
RFI : Vous êtes né à Podor au bord du fleuve Sénégal, est-ce que le désert avance dans votre région natale ?
Baaba Maal : Oui. Quand on voyage dans les environs de Podor, puisqu'on est juste en face de la Mauritanie, on sent que le désert avance vers Podor, que des forêts disparaissent. Donc, on peut dire qu'il y a la main de l'homme, mais en même temps aussi, il y a des changements climatiques qui causent cette situation, qu'on n'avait pas vécue pendant qu'on était plus jeune.
Oui, quand vous étiez plus jeune, il y avait beaucoup plus de forêts dans votre région ?
C’est ça ma révolte, parce que quand j'étais jeune, il y avait le fleuve. Aux environs du fleuve, il y avait différentes variétés luxuriantes et en même temps beaucoup d'espèces d'animaux qui avaient une relation avec nous, et notre culture. Le fleuve était rempli de différentes variétés de poissons qu'on n’a plus vu depuis quelques années.
Alors vous dites que le désert avance, notamment à cause de la main de l'homme, est-ce à cause du développement de l'agriculture et de la destruction des herbages ?
Oui, et même des arbres. Il y a eu un moment où on ne comprenait pas ce qui se passait. Mais on voyait beaucoup de fumée au-dessus de certains arbres dans certaines zones qui étaient très peuplées en arbres. Et on s’est rendu compte plus tard que ce sont des hommes qui étaient là-bas en train de couper les arbres, de faire du charbon de bois pour des raisons domestiques. Donc, il y a l'inconscience de certaines personnes qui coupent le bois à tort et à travers, qui ne replantent pas quand elles coupent le bois. Parce que si on se mettait à replanter, à remettre ce qu'on a enlevé, peut être que ça n'arriverait pas à ce niveau-là.
Et c'est pour ça que vous parlez ce matin sur RFI. C'est pour que les populations soient mieux informées, mieux conscientisées ?
Ah oui, j'aimerais bien qu’on puisse m’entendre sur RFI. En Arabie saoudite, on a vu un très grand projet où des gens plantent des millions et des millions d’arbres. C'est une expérience que j'aimerais vraiment bien partager avec nos populations dans le Nord du Sénégal ou bien au Sud de la Mauritanie, pour leur dire que nous avons un engagement à prendre, pour mettre sur pied des projets de ce genre.
Baaba Maal, vous êtes ambassadeur de bonne volonté des Nations unies contre la désertification. Vous participez à cette COP 16 à Ryad et vous appelez à la restauration des terres dégradées, un milliard et demi d’hectares d'ici 2030, est-ce que l'objectif est réalisable ?
Bien sûr, tout est réalisable. Quand on voit ce qui se fait en Arabie saoudite, on se dit que, quand il y a la volonté de l'homme, quand il y a la volonté des autorités, tout est possible.
Pour restaurer ces 1 milliard et demi d’hectares de terres, la COP 16 va demander plus de 6 milliards de dollars sur 10 ans, mais vous vous souvenez, il y a 3 semaines, la COP 29 sur le climat a déjà obtenu 300 milliards de dollars sur 10 ans.
Ce n’est pas suffisant.
Est-ce que vous ne craignez pas, Baaba Maal, que les pays riches vous disent : « On a déjà assez donné, nos poches sont vides » ?
Mais je pense qu'un pays comme l'Arabie saoudite est un pays qui pourra quand même participer. Et il ne faut pas négliger cet apport-là ! Parce que ce n'est pas pour rien qu'on a organisé cette COP ici. Et je ne pense pas que ça soit seulement une question d'argent, mais c'est aussi l'échange d'expérience qui peut faire la différence. On a vu aussi des exemples de reforestation qui ne demandent pas beaucoup d'argent, qui ne demandent que d'être accompagnés, qui demandent aussi l'engagement et l'innovation, parce que je ne pense pas que tout soit une fatalité. Si on voit ce qui est en train d'être fait ici en Arabie saoudite, dans le désert, on se rend compte que tout est possible aussi du côté de chez nous là-bas.
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